Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/91

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individus de sa famille ou de sa tribu qui sont trop jeunes, trop vieux ou trop infirmes pour aller à la chasse ou à la pêche. Ces nations sont cependant dans un état de pauvreté suffisant pour les réduire souvent, ou du moins pour qu’elles se croient réduites, à la nécessité tantôt de détruire elles-mêmes leurs enfants, leurs vieillards et leurs malades, tantôt de les abandonner aux horreurs de la faim ou à la dent des bêtes féroces. Au contraire, chez les nations civilisées et en progrès, quoiqu’il y ait un grand nombre de gens tout à fait oisifs et beaucoup d’entre eux qui consomment un produit de travail décuple et souvent centuple de ce que consomme la plus grande partie des travailleurs, cependant la somme du produit du travail de la société est si grande, que tout le monde y est souvent pourvu avec abondance, et que l’ouvrier, même de la classe la plus basse et la plus pauvre, s’il est sobre et laborieux, peut jouir, en choses propres aux besoins et aux aisances de la vie, d’une part bien plus grande que celle qu’aucun sauvage pourrait jamais se procurer[1].

Les causes qui perfectionnent ainsi le pouvoir productif du travail et l’ordre suivant lequel ses produits se distribuent naturellement entre les diverses classes de personnes dont se compose la société, feront la matière du premier livre de ces recherches.

Quel que soit, dans une nation, l’état actuel de son habileté, de sa dextérité et de son intelligence dans l’application du travail, tant que cet état reste le même, l’abondance ou la disette de sa provision[2] annuelle dépendra nécessairement de la proportion entre le nombre des individus employés à un travail utile, et le nombre de ceux qui ne le sont pas. Le nombre des travailleurs utiles et productifs est partout, comme on le verra par la suite, en proportion de la quantité du Capital employé à les mettre en œuvre, et de la manière particulière dont ce capital est employé. Le second livre traite donc de la nature du ca-

  1. Cela devrait être ; mais le développement tout à fait vicieux de l’industrie manufacturière a changé de nos jours ces généreuses espérances en désappointement bien amer. On en verra plus loin les motifs. A. B.
  2. Le mot provision exprime d’une manière très-imparfaite le terme anglais supply, surtout lorsqu’il est employé en qualité de verbe : to supply. Pourvoir, dans ce cas, est une expression plus juste qu’approvisionner. Nous aurons plus d’une occasion de signaler la difficulté de traduire exactement certaines expressions de la langue économique créée par Adam Smith. A. B.