Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/145

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blatiers et les voituriers de blé, elle tendait à l’obliger à exercer lui-même, outre son métier de fermier, celui de marchand ou détaillant de blé. Au contraire, dans presque tous les cas, elle défendait à l’artisan d’exercer le métier de vendeur en boutique, ou de détailler ses propres marchandises. Elle s’imaginait, par l’un de ces règlements, faire le bien général du pays, ou rendre le blé moins cher, sans bien comprendre peut-être comment cela pouvait se faire. Par l’autre, elle avait en vue de faire le bien d’une classe particulière de gens, les marchands en boutique, qui, a ce qu’on supposait, se trouveraient supplantés par l’ouvrier fabricant, lequel vendrait tellement au-dessous de leur prix, si on lui laissait le moins du monde la liberté de détailler, que leur commerce se trouverait totalement anéanti.

Cependant, quand même on eût permis au fabricant de tenir boutique et de vendre ses propres marchandises au détail, il n’eût pas pu vendre pour cela au-dessous du marchand ordinaire ; tout ce qu’il aurait placé de son capital dans sa boutique, il aurait fallu qu’il le retirât de son industrie. Pour porter son commerce total au niveau de tous les autres commerces, de même qu’il lui aurait fallu, sur une partie de ce capital, les profits d’un fabricant, de même il lui aurait fallu sur l’autre les profits d’un marchand en boutique. Si, par exemple, dans le lieu particulier de sa résidence, 10 p. 100 sont le taux du profit des fonds placés, soit dans les manufactures, soit dans le commerce de détail, il faudra, dans ce cas, que chaque pièce de marchandise de sa fabrique qu’il vendra dans sa boutique soit chargée d’un profit de 20 p. 100. Quand il fera passer ces pièces d’ouvrage de son atelier dans sa boutique, il faudra bien qu’il les évalue au prix auquel il les aurait vendues à un débitant ou à un marchand qui les lui aurait achetées en gros. En les évaluant plus bas, il perdrait une partie des profits du capital placé dans sa manufacture. Quand ensuite il les vendra dans sa boutique, à moins de les vendre au même prix que les aurait revendues un détaillant, il perdrait une partie des profits du capital placé dans sa boutique. Ainsi, quoiqu’il paraisse, dans cette supposition, faire un double profit sur la même pièce de marchandise, cependant, comme ces marchandises auront fait successivement partie de deux capitaux distincts, il n’aura toujours fait qu’un seul profit sur la totalité du capital occupé par ces marchandises ; et s’il eût fait moins que ce profit, il aurait été en perte, ou il n’aurait pas employé la totalité de son capital d’une manière aussi avantageuse que la plupart de ses voisins.