Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/146

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Ce qu’on défendait au fabricant, on le prescrivit en quelque sorte au fermier ; on força celui-ci de diviser son capital en deux emplois différents, d’en conserver une partie dans ses greniers et dans ses granges pour fournir d’un moment à l’autre aux besoins du marché, et d’employer l’autre à la culture de ses terres. Mais, de même qu’il n’aurait pas pu sans perte employer la dernière partie de son capital pour moins que les profits ordinaires des fonds placés dans les fermes, de même il n’aurait pas pu davantage employer l’autre pour moins que les profits ordinaires des fonds placés dans le commerce. Que le capital qui fait réellement aller un commerce de marchand de blé appartienne à une personne qu’on appelle fermier, ou à une personne qu’on appelle marchand de blé, il n’en faut pas moins, dans un cas comme dans l’autre, un profit égal qui indemnise le maître de ce capital de l’emploi qu’il en fait ainsi, pour mettre son commerce au niveau de tous les autres emplois, et pour empêcher que son intérêt ne le porte à changer cet emploi pour un autre, dès qu’il en aura la possibilité. Par conséquent, le fermier qu’on obligea ainsi à exercer le métier de marchand de blé ne se trouva pas pour cela en état de vendre son blé à meilleur marché que tout autre marchand de blé n’eût été forcé de le faire, dans le cas d’une libre concurrence.

Celui qui peut employer tout son capital dans un seul genre d’affaires a un avantage de la même espèce que l’ouvrier qui emploie tout son travail à faire une seule et même opération. De même que le dernier y acquiert une dextérité qui le met en état de fournir, avec ses mêmes deux bras, une beaucoup plus grande quantité d’ouvrage, de même l’autre acquiert une méthode tellement facile et prompte dans l’arrangement et la conduite de son commerce, dans l’achat et le débit de sa marchandise, qu’avec le même capital il peut mener un bien plus grand nombre d’affaires. Ainsi, de même que l’un peut ordinairement fournir son ouvrage à beaucoup meilleur marché, de même l’autre peut ordinairement livrer ses marchandises à quelque chose de moins que si son attention et son capital étaient partagés entre une grande quantité d’objets divers. La plus grande partie des fabricants ne pourraient suffire à donner leurs propres marchandises au détail à aussi bon marché qu’un actif et vigilant détaillant, dont toute la besogne se borne à les acheter en gros pour les revendre en détail. La plupart des fermiers pourraient encore bien moins suffire à donner leur propre blé au détail ou à fournir les habitants d’une ville, distante de peut-être quatre ou cinq milles du