Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/182

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péens la plus précieuse de toutes les productions végétales de ces îles. Mais, quoiqu’à la fin du quinzième siècle les mousselines et autres ouvrages de coton des Indes orientales fussent très-recherchés dans tous les pays de l’Europe, cependant il n’y avait nulle part de manufactures de coton. Ainsi, cette production elle-même ne pouvait alors paraître d’une très-grande importance aux yeux des Européens.

Colomb ne trouvant donc rien, ni dans les végétaux ni dans les animaux des pays de ses nouvelles découvertes, qui pût justifier la peinture très-avantageuse qu’il voulait en faire, tourna son attention du côté des minéraux, et il se flatta d’avoir trouvé, dans la richesse des productions de ce dernier règne, de quoi compenser largement le peu de valeur de celles des deux autres. Les petits morceaux d’or dont les habitants se faisaient une parure, et qu’ils trouvaient fréquemment, à ce qu’il apprit, dans les ruisseaux et les torrents qui tombaient des montagnes, suffirent pour lui persuader que ces montagnes abondaient en mines d’or des plus riches. En consé­quence, il représenta Saint-Domingue comme un pays où l’or était en abon­dance, et dès lors comme une source inépuisable de véritables richesses Pour la couronne et pour le royaume d’Espagne, conformément aux préjugés qui règnent aujourd’hui et qui régnaient déjà à cette époque. Lorsque Colomb, au retour de son premier voyage, fut admis, avec les honneurs d’une espèce de triomphe, en la présence des souverains de Castille et d’Aragon, on porta devant lui, en pompe solen­nelle, les principales productions des pays qu’il avait découverts. Les seules parties de ces productions qui eussent quelque valeur consistaient en de petites lames, bracelets et autres ornements d’or, et en quelques balles de coton. Le reste était des objets de pure curiosité, propres à exciter l’étonnement du peuple : des joncs d’une taille extra­ordinaire, des oiseaux d’un très-beau plumage et des peaux rembourrées du grand alligator et du manati ; le tout précédé par six ou sept des malheureux naturels du pays, dont la figure et la couleur singulières ajoutaient beaucoup à la nouveauté de ce spectacle.

D’après le rapport de Colomb, le conseil de Castille résolut de prendre possession d’un pays dont les habitants étaient évidemment hors d’état de se défendre. Le pieux dessein de le convertir au christianisme sanctifia l’injustice du projet. Mais l’espoir d’y puiser des trésors fut le vrai motif qui décida l’entreprise ; et pour donner le plus grand poids à ce motif, Colomb proposa que la moitié de tout l’or et de tout l’ar-