Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/229

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les autres branches de commerce, à un désavantage absolu, et en même temps à un désavantage relatif.

Lorsque, par l’acte de navigation, l’Angleterre s’est emparée du monopole du commerce des colonies, les capitaux étrangers, qui avaient été auparavant employés dans ce commerce, en ont été nécessairement retirés. Le capital anglais, qui n’avait soutenu jusque-là qu’une partie de ce commerce, fut alors obligé d’en soutenir la totalité. Le capital qui jusque-là n’avait fourni aux colonies que partie seulement des marchandises qu’elles recevaient d’Europe, forma alors la totalité du capital employé à leur amener tout ce qu’elles pouvaient tirer d’Europe. Or, ce capital ne pouvait leur fournir la totalité de ce qu’elles demandaient de marchandises, et celles qu’il leur amenait leur étaient nécessairement vendues fort cher. Le capital qui n’avait acheté auparavant qu’une partie seulement du produit surabondant des colonies, composa alors tout le capital destiné à acheter la totalité de ce produit. Mais il ne pouvait pas acheter cette totalité à l’ancien prix, ni même à beaucoup près et, par conséquent, tout ce qu’il en achetait était acheté nécessairement à très-bas prix. Or, dans un emploi de capital, où le marchand vendait fort cher et achetait à très-bon marché, les profits ont dû être nécessairement très-forts, et bien au-dessus du niveau ordinaire des profits dans les autres branches de commerce. Cette supériorité des profits du commerce colonial ne pouvait manquer d’attirer, de toutes les autres branches de commerce, une partie du capital qui leur avait été consacré jusque-là. Mais si cette révolution dans la direction du capital national a dû nécessairement augmenter successivement la concurrence des capitaux dans le commerce des colonies, elle a dû, par la même raison, diminuer successivement cette concurrence dans les autres branches de commerce ; si elle a dû faire baisser par degrés les profits de ce commerce, elle a dû, par la même raison, faire hausser par degrés les profits des autres, jusqu’à ce que le niveau fût rétabli dans les profits de tous, niveau différent, il est vrai, du premier, et un peu plus élevé que celui qui existait entre eux auparavant[1].

  1. L’opinion développée ici par A. Smith, relativement à l’augmentation des profils, par suite du monopole, dans le commerce des colonies, n’est qu’une conséquence de sa théorie, qui fait dépendre le taux des profits de la quantité du capital et de l’étendue du champ ouvert à son emploi. En fait, cependant, le taux des profits dépend plutôt de la fécondité d’une entreprise industrielle que de l’espace ouvert à ses opérations. Les profits ne sont autre chose que des valeurs nouvelles créées par l’emploi des capitaux et du travail dans les entreprises industrielles, qui restent, quand le capital et la valeur du travail ainsi employés ont été mis de côté. Il est évident, par conséquent, que l’étendue des opérations n’est pour rien dans cette production. Et si A. Smith pense qu’en étendant les opérations le monopole du commerce des colonies élève en même temps le taux des profits, il est évident qu’il lui attribue des effets qu’il n’a pas réellement. Mac Culloch.