Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/234

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l’Europe, a été continuellement en dépérissant. Les produits de nos manufactures destinés à être vendus à l’étranger, au lieu de s’adapter, comme avant l’acte de navigation, au marché de l’Europe qui nous avoisine, ou au marché plus éloigné que nous offrent les pays situés aux bords de la Méditerranée, se sont appropriés, pour la plupart, aux besoins et aux demandes du marché des colonies, qui est infiniment plus éloigné ; du marché où ces manufactures jouissent du monopole, plutôt que de celui où elles peuvent trouver une foule de concurrents. Ces causes du dépérissement des autres branches de notre commerce étranger, que sir Matthieu Decker et d’autres écrivains ont été chercher dans l’excès des taxes, dans le mode vicieux de l’impôt, dans le haut prix du travail, dans l’accroissement du luxe, etc., on peut les trouver toutes dans la croissance monstrueuse de notre commerce des colonies[1]. Comme le capital de la Grande-Bretagne, quoique extrêmement considérable, n’est pourtant pas infini, et comme ce capital, quoique grandement augmenté depuis l’acte de navigation, n’a cependant pas augmenté dans la même proportion que notre commerce des colonies, il n’aurait jamais été possible de soutenir ce commerce sans enlever aux autres branches quelque portion de capital, ni, par conséquent, sans y occasionner quelque dépérissement.

Il faut observer que l’Angleterre était déjà un grand pays commerçant ; que la masse de ses capitaux engagés dans le négoce était déjà très-considérable, et susceptible de grossir encore de jour en jour, non-seulement avant que l’acte de navigation eût établi le monopole du commerce des colonies, mais avant même que ce commerce eût acquis une grande importance. Pendant la guerre de Hollande, sous le gouvernement de Cromwell, la marine anglaise était supérieure à celle de la Hollande ; et dans la guerre qui éclata au commencement du règne de Charles II, elle était au moins égale, peut-être supérieure aux marines réunies de la France et de la Hollande. Cette supériorité paraîtrait à peine plus grande aujourd’hui, du moins si la marine de Hol-

  1. Adam Smith aurait dû donner les preuves de cette assertion. L’Essay de sir Matthieu Decker, qu’il cite, est un ouvrage ingénieux et estimable ; mais on est forcé d’admettre néanmoins que la décadence du commerce étranger, dont il essaye d’assigner les causes, n’a en fait aucune réalité. Toutes les branches de notre commerce étranger n’ont fait que se développer progressivement pendant le dernier siècle. Mac Culloch.