Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/266

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Les meneurs de l’Amérique, comme ceux de tous les autres pays, désirent conserver leur importance personnelle. Ils sentent ou au moins ils s’imaginent que si leurs assemblées, qu’ils se plaisent à décorer du nom de parlements, et à regarder comme égales en autorité au parlement de la Grande-Bretagne, allaient être dégradées au point de devenir les officiers exécutifs et les humbles ministres de ce parlement, ils perdraient eux-mêmes à peu près toute leur importance personnelle. Aussi ont-ils rejeté la proposition d’être imposés par réquisition parlementaire, et comme tous les autres hommes ambitieux qui ont de l’élévation et de l’énergie, ils ont tiré l’épée pour maintenir leur importance.

Vers l’époque du déclin de la république romaine, les alliés de Rome, qui avaient porté la plus grande partie du fardeau de la défense de l’État et de l’agrandissement de l’empire, demandèrent à être admis à tous les privilèges de citoyens romains. Le refus qu’ils essuyèrent fit éclater la guerre sociale. Pendant le cours de cette guerre, Rome accorda le droit de citoyen à la plupart d’entre eux, un à un, et à mesure qu’ils se détachaient de la confédération générale. Le parlement d’Angleterre insiste pour taxer les colonies ; elles se refusent à l’être par un parlement où elles ne sont pas représentées. Si la Grande-Bretagne consentait à accorder à chaque colonie qui se détacherait de la confédération générale un nombre de représentants proportionné à sa portion contributive dans le revenu public de l’empire (cette colonie étant alors soumise aux mêmes impôts et, par compensation, admise à la même liberté de commerce que ses co-sujets d’Europe), avec la condition que le nombre de ses représentants augmenterait à mesure que la proportion de sa contribution viendrait à augmenter par la suite, alors on offrirait par ce moyen aux hommes influents de chaque colonie une nouvelle route pour aller à l’importance, un objet d’ambition nouveau et plus éblouissant. Au lieu de perdre leur temps à courir après les petits avantages de ce qu’on peut appeler le jeu mesquin d’une faction coloniale, ils pourraient alors, d’après cette bonne opinion que les hommes ont naturellement de leur mérite et de leur bonheur, se flatter de l’espoir de gagner quelque lot brillant à cette grande loterie d’État que forment les institutions politiques de la Grande-Bretagne. À moins qu’on n’emploie cette méthode (et il paraît difficile d’en imaginer de plus simple), ou enfin quelque autre qui puisse conserver aux meneurs de l’Amérique leur importance et contenter leur ambition, il n’y a guère