Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/276

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non-seulement exclues d’un commerce dans lequel elles pourraient trouver de l’avantage à placer une partie de leurs capitaux, mais sont encore obligées d’acheter les marchandises sur lesquelles roule ce commerce, un peu plus cher que si elles avaient la faculté de les importer directement des pays qui les produisent.

Mais depuis la décadence de la puissance de Portugal, aucune nation de l’Europe n’a prétendu au droit exclusif de naviguer dans les mers des Indes, et les ports principaux de ces mers sont maintenant ouverts aux vaisseaux de toutes les nations européennes. Cependant le commerce des Indes, excepté en Portugal et depuis quelques années en France, a été soumis, dans chaque pays de l’Europe, au régime d’une compagnie exclusive[1]. Les monopoles de ce genre sont proprement établis contre la nation même qui les institue. La majeure partie de cette nation se trouve par là non-seulement exclue d’un commerce vers lequel elle pourrait trouver l’avantage à diriger une partie de ses capitaux, mais encore obligée d’acheter les marchandises sur lesquelles porte ce commerce, un peu plus cher que s’il était ouvert et libre à tous les citoyens. Depuis l’établissement de la Compagnie des Indes anglaises, par exemple, les autres habitants de l’Angleterre, outre ce qu’ils ont eu à souffrir de l’exclusion de ce commerce, ont encore été obligés de payer dans le prix des marchandises de l’Inde qu’ils ont consommées, non-seulement tous les profits extraordinaires que la Compagnie peut avoir faits sur ces marchandises en conséquence de son monopole, mais encore tout le dégât et les pertes extraordinaires qu’ont nécessairement entraînés les abus et les malversations inséparables de l’administration des affaires d’une aussi grande compagnie. L’absurdité de cette seconde espèce de monopole est donc beaucoup plus évidente encore que l’absurdité de la première.

  1. Ceci est inexact. Le commerce des Indes n’a jamais été ouvert à tous les Portugais. À l’exception d’une très-courte époque pendant laquelle il était livré à deux compagnies privilégiées, ce commerce a toujours été exploité par un monopole royal, à l’aide d’un certain nombre de navires particulièrement autorisés à ce trafic, à peu près comme l’a été le commerce des Espagnols avec leurs colonies de l’Amérique du Sud. Le commerce intérieur des Indes a été en très-grande partie cédé par le roi à des particuliers. Les gouverneurs et autres personnages haut placés vendaient des permissions de trafiquer à des individus qui n’avaient d’autre mérite que de pouvoir les leur acheter. Mac Culloch.