Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/292

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espèce bien singulière, qu’un gouvernement dans lequel chaque membre de l’administration ne songe qu’à quitter le pays au plus vite et, par conséquent, à se débarrasser du gouvernement le plut tôt qu’il peut, et verrait avec une parfaite indifférence la contrée tout entière engloutie par un tremblement de terre le lendemain du jour où il l’aurait quittée, emportant avec soi toute sa fortune.

Dans tout ce que je viens de dire, néanmoins, je n’entends pas jeter la moindre impression défavorable sur l’honnêteté des facteurs de la Compagnie des Indes en général, et bien moins encore sur celle de qui que ce soit en particulier. C’est le système de gouvernement, c’est la position dans laquelle ils se trouvent placés que j’entends blâmer, et non pas le personnel de ceux qui ont eu à agir dans cette position et dans ce gouvernement. Ils ont agi selon la pente naturelle de leur situation particulière, et ceux qui ont déclamé le plus haut contre eux n’auraient probablement pas mieux fait à leur place. En matière de guerre et de négociation, les conseils de Madras et de Calcutta se sont conduits, dans plusieurs occasions, avec une sagesse et une fermeté mesurées qui auraient fait honneur au sénat romain dans les plus beaux jours de la république. Cependant, les membres de ces conseils avaient été élevés dans des professions fort étrangères à la guerre et à la politique[1]. Mais leur situation toute seule, sans le secours que donnent l’instruction, l’expérience et l’exemple, semble avoir formé en eux tout d’un coup les grandes qualités qu’elle exigeait, et leur avoir donné,

  1. Gouvernement, revenu et commerce de la Compagnie des Indes. — En 1784, avant la publication de la quatrième édition de l’ouvrage d’Adam Smith, tes affaires de la Compagnie des Indes Orientales étaient tombées dans un désordre profond ; de tous côtés on somma les ministres de présenter quelques projets de réforme. C’est pour se conformer au vœu de l’opinion publique que M. Fox présenta le fameux bill sur les Indes, qui avait pour but d’abolir les cours des directeurs et des propriétaires, comme ne remplissant aucun but sérieux dans l’administration, et de charger du gouvernement sept commissaires nommés par le Parlement. Cette proposition produisit une fermentation extraordinaire. La coalition entre lord North et M. Fox avait rendu le ministère excessivement impopulaire, et on profita de cette circonstance pour provoquer contre cette mesure une opposition violente. La Compagnie des Indes fit un appel au public ; elle se plaignit de la violation de ses droits garantis, bien qu’il fût manifeste aux yeux de tout le monde qu’à cause de son incapacité reconnue de donner suite aux stipulations de sa charte, renouvelée