Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/308

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particulière, supérieure à celle de tous les autres pays ; que la laine des autres pays ne pourrait même être travaillée de manière à faire aucun ouvrage passable, sans quelque mélange de celle-là ; que sans cette laine on ne saurait fabriquer de drap fin ; que par conséquent, si l’on parvenait à en empêcher totalement l’exportation, l’Angleterre s’assurerait le monopole de presque tout le commerce de draps du monde entier, et qu’ainsi n’ayant point de rivaux, et vendant dès lors au prix qu’elle voudrait, elle arriverait en peu de temps à un degré incroyable d’opulence, au moyen de la balance du commerce la plus avantageuse possible. Cette doctrine, comme beaucoup d’autres qui sont soutenues par un grand nombre de gens avec le ton de la plus haute confiance, fut crue sur parole, et l’est encore aujourd’hui par un bien plus grand nombre, par presque tous ceux qui ne sont pas très-au fait du commerce de lainerie, ou qui n’ont pas fait là-dessus de recherches particulières. Il est néanmoins si complètement faux que la laine d’Angleterre soit nécessaire, à un degré quelconque, à la fabrication des draps fins, que même elle est tout à fait impropre à ce genre d’ouvrage. Les draps fins sont faits en entier de laine d’Espagne. La laine d’Angleterre ne peut même être mélangée avec la laine d’Espagne, pour entrer dans la composition de ces sortes de draps, sans en dégrader et en altérer, à un certain point, la belle qualité.

Dans une précédente partie de cet ouvrage, on a démontré que l’effet de ces règlements avait été de rabaisser le prix de la laine d’Angleterre, non-seulement au-dessous de ce qu’il serait naturellement dans le moment actuel, mais même beaucoup au-dessous de ce qu’il était au temps d’Edouard III. On dit que lorsque la laine d’Écosse, en conséquence de l’union des deux royaumes, vint à être assujettie à ces règlements, son prix baissa environ de moitié. L’auteur très-exact et très-intelligent des Mémoires sur les laines, M. John Smith, observe que le prix de la meilleure laine anglaise, en Angleterre, est généralement au-dessous de ce que la laine d’une qualité très-inférieure se vend communément au marché d’Amsterdam. Le but avoué de ces règlements était de rabaisser le prix de cette denrée au-dessous de ce qu’on peut appeler son prix naturel et son juste prix, et il paraît qu’il n’y a pas à douter qu’ils n’aient produit l’effet qu’on s’en promettait.

On pourrait croire peut-être que cet avilissement du prix de la laine, décourageant la production de cette denrée, a dû diminuer de