Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/416

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de beaucoup les profits ordinaires du commerce, en supposant même qu’ils les excèdent.

La compagnie de la mer du Sud n’a jamais eu ni forts ni garnisons à entretenir et, par conséquent, elle a toujours été exempte d’une grande dépense à laquelle sont sujettes les autres compagnies par actions pour le commerce étranger ; mais elle avait un immense capital divisé entre un nombre immense de propriétaires. On devait donc naturellement s’attendre à ce que l’imprévoyance, la négligence et la prodigalité régneraient dans toute l’administration de ses affaires. On ne connaît que trop l’extravagance et les manœuvres frauduleuses de ses projets d’agiotage, et ce serait une explication étrangère au sujet présent ; ses projets mercantiles n’ont pas été beaucoup mieux conduits. Le premier commerce qu’elle entreprit, ce fut celui de fournir de nègres les Indes Occidentales espagnoles ; elle avait le privilège exclusif de ce commerce, par suite de ce qu’on appela le contrat d’Asiento, à elle cédé par le traité d’Utrecht ; mais, comme il n’y avait pas lieu de s’attendre à ce qu’elle pût faire de grands profits à ce commerce, les compagnies française et portugaise, qui en avaient joui avant elle aux mêmes conditions, s’y étant ruinées l’une et l’autre, on lui permit, par forme de compensation, d’envoyer annuellement un vaisseau d’une charge déterminée, pour commercer directement avec les Indes Occidentales espagnoles. De dix voyages qu’on permit de faire à ce vaisseau annuel[1], on dit qu’un seul, celui de la Royale Caroline, en 1731, lui a rapporté un bénéfice considérable, et qu’elle a été plus ou moins en perte dans presque tous les autres. Les facteurs et agents de la compagnie imputèrent ce mauvais succès aux extorsions et aux vexations du gouvernement d’Espagne ; mais c’était peut-être principalement à la prodigalité et aux déprédations de ces facteurs et agents eux-mêmes qu’il fallait l’attribuer ; on dit que quelques-uns d’eux ont fait de grandes fortunes, même dans l’espace d’une année. En 1734, la compagnie présenta au roi une pétition pour obtenir la permission de disposer du commerce et du tonnage de son vaisseau annuel, à cause du peu de profits qu’elle y faisait, et d’accepter en équivalent ce qu’elle pourrait obtenir du roi d’Espagne.

  1. Ce vaisseau se nommait vaisseau de permission ; il devait être du port de cinq cents tonneaux ; un quart du profit appartenait à Sa Majesté catholique, et en outre 5 pour 100 sur les trois autres quarts de ce profit.