Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/45

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le capital dont il peut disposer, l’emploi le plus avantageux ; il est bien vrai que c’est son propre bénéfice qu’il a en vue, et non celui de la société ; mais les soins qu’il se donne pour trouver son avantage personnel le conduisent naturellement, ou plutôt nécessairement, à préférer précisément ce genre d’emploi même qui se trouve être le plus avantageux à la société[1].

Premièrement, chaque individu tâche d’employer son capital aussi près de lui qu’il le peut et, par conséquent, autant qu’il le peut, il tâche de faire valoir l’industrie nationale, pourvu qu’il puisse gagner par là les profits ordinaires que rendent les capitaux, ou guère moins.

Ainsi, à égalité de profits ou à peu près, tout marchand en gros préférera naturellement le commerce intérieur au commerce étranger de consommation, et le commerce étranger de consommation au commerce de transport. Dans le commerce intérieur, il ne perd jamais aussi longtemps son capital de vue que cela lui arrive fréquemment dans le commerce étranger de consommation ; il est bien plus à portée de connaître le caractère des personnes auxquelles il a à se confier, ainsi que l’état de leurs affaires ; et s’il lui arrive d’avoir mal placé sa confiance, il connaît mieux les lois auxquelles il est obligé de recourir. Dans le commerce de transport, le capital du marchand est, pour ainsi dire, partagé entre deux pays étrangers, et il n’y en a aucune partie qui soit dans la nécessité de revenir dans le sien, ni qui soit immédiatement sous ses yeux et à son commandement. Le capital qu’un négociant d’Amsterdam emploie à transporter du blé de Kœnigsberg à Lisbonne, et des fruits et des vins de Lisbonne à Kœnigsberg, doit, en général, demeurer moitié à Kœnigsberg et moitié à Lisbonne : il n’y en a aucune partie qui ait jamais besoin de venir à Amsterdam. La résidence naturelle de ce négociant devrait être à Kœnigsberg ou à Lisbonne, et il ne peut y avoir que des circonstances particulières qui lui fassent préférer le séjour d’Amsterdam ; en outre, le désagrément qu’il trouve à se voir toujours si éloigné de son capital le détermine, en général, à faire venir à Amsterdam une partie, tant des marchandises de Kœnigsberg destinées pour le marché de Lisbonne,

  1. L’expérience a malheureusement démontré que cette assertion d’Adam Smith n’était pas exacte. Nous avons pu nous convaincre, surtout depuis quelques années, que l’intérêt des particuliers n’était pas toujours conforme à celui de l’État. A. B.