Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/453

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des professeurs publics, mais ont même rendu presque impossible de se procurer de bons maîtres particuliers[1].

S’il n’y avait pas d’institutions publiques pour l’éducation, alors il ne s’enseignerait aucune science, aucun système ou cours d’instruction dont il n’y eût pas quelque demande, c’est-à-dire aucun que les circonstances du temps ne rendissent ou nécessaire, ou avantageux, ou convenable d’apprendre. Un maître particulier ne trouverait jamais son compte à adopter, pour l’enseignement d’une science reconnue utile, quelque système vieilli et totalement décrié, ni à enseigner de ces sciences généralement regardées comme un pur amas de sophismes et de verbiage insignifiant, aussi inutile que pédantesque. De tels systèmes, de telles sciences ne peuvent avoir d’existence ailleurs que dans ces sociétés érigées en corporation pour l’éducation ; sociétés dont la prospérité et le revenu sont, en grande partie, indépendants de leur réputation et totalement de leur industrie. S’il n’y avait pas d’institutions publiques pour l’éducation, on ne verrait pas un jeune homme de famille, après avoir passé par le cours d’études le plus complet que l’état actuel des choses soit censé comporter, et l’avoir suivi avec de l’application et des dispositions, apporter dans le monde la plus parfaite ignorance de tout ce qui est le sujet ordinaire de la conversation entre les personnes bien nées et les gens de bonne compagnie[2].

Il n’y a pas d’institutions publiques pour l’instruction des femmes et, en conséquence, dans le cours ordinaire de leur éducation, il n’y a rien d’inutile, d’absurde ni de fantastique. On leur enseigne ce que leurs parents et tuteurs jugent nécessaire ou utile pour elles de savoir, et on ne leur enseigne pas autre chose[3]. Chaque partie de leur éducation tend évidemment à quelque but utile ; elle a pour objet ou de relever les grâces naturelles de leur personne, ou de former leur moral à la réserve, à la modestie, à la chasteté, à l’économie ; de les mettre dans

  1. Il nous semble qu’Adam Smith a poussé bien loin ici l’amour de la concurrence. A. B.
  2. Ce triste résultat n’est pas la conséquence de l’existence des institutions publiques pour l’éducation, mais de l’esprit de système qui domine chez ceux qui les dirigent. Les professeurs de l’université de France sont généralement des hommes de mérite ; mais ils sont condamnés à enseigner des choses inutiles au plus grand nombre de leurs auditeurs. A. B.
  3. Malheureusement on ne leur enseigne rien.