Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/46

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que de celles de Lisbonne qu’il destine pour le marché de Kœnigsberg ; et quoique cette marche l’assujettisse nécessairement à un double embarras de chargement et de déchargement, ainsi qu’au payement de quelques droits et à quelques visites de douanes, cependant c’est une charge extraordinaire à laquelle il se résigne volontiers, pour l’avantage seulement d’avoir toujours quelque partie de son capital sous ses yeux et sous sa main ; et c’est ainsi que tout pays qui a une part considérable au commerce de transport devient toujours l’entrepôt ou le marché général des marchandises de tous les différents pays entre lesquels se fait son commerce. Pour éviter les frais d’un second chargement et déchargement, le marchand cherche toujours à vendre, dans le marché intérieur, le plus qu’il peut de marchandises de tous ces différents pays ; et ainsi, autant qu’il le peut, il convertit son commerce de transport en commerce étranger de consommation. De même, un marchand qui fait le commerce étranger de consommation, et qui rassemble des marchandises qu’il destine aux marchés étrangers, se trouvera toujours bien aise, à égalité de profits ou à peu près, d’avoir occasion de vendre autant de ces marchandises qu’il pourra dans le marché intérieur ; il s’épargne d’autant par là les risques et la peine de l’exportation, et ainsi il convertit, autant qu’il est en lui, son commerce étranger de consommation en commerce intérieur. Le marché intérieur est donc, si je puis m’exprimer ainsi, le centre autour duquel les capitaux des habitants du pays vont toujours circulant, et vers lequel ils tendent sans cesse, quoique des causes particulières puissent quelquefois les en écarter et les repousser vers des emplois plus éloignés. Or, comme on l’a déjà fait voir[1], un capital employé dans le commerce intérieur met nécessairement en activité une plus grande quantité d’industrie nationale, et fournit de l’occupation et du revenu à un plus grand nombre d’habitants du pays qu’un pareil capital employé au commerce étranger de consommation, et un capital employé dans ce dernier genre de commerce a les mêmes avantages sur un pareil capital placé dans le commerce de transport. Par conséquent, à égalité ou presque égalité de profits, chaque individu incline naturellement à employer son capital de la manière qui promet de donner le plus d’appui à l’industrie nationale, et de fournir de l’occupation et du revenu à un plus grand nombre d’habitants du pays.

  1. Liv. II, chap. v.