Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/479

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truit de la même manière, dans la majeure partie de l’Europe, toute la puissance temporelle du clergé. Le produit des arts, des manufactures et du commerce offrit au clergé, tout comme aux seigneurs, quelque chose à échanger contre le superflu du produit brut de ses terres, et lui fit voir ainsi tous les moyens de dépenser la totalité de ses revenus en jouissances personnelles, sans être obligé d’en faire une aussi grande part aux autres. Peu à peu, sa charité devint moins étendue, son hospitalité moins généreuse et moins prodigue. Sa suite devint, par conséquent, moins nombreuse, et par degrés elle finit par se réduire tout à fait à rien. Comme les seigneurs, le clergé désira aussi retirer de plus fortes rentes de ces domaines, afin de les dépenser de la même manière, en jouissances personnelles, en sottises et en faste puéril. Or, cette augmentation de rente ne put s’obtenir qu’en accordant aux tenanciers de plus longs baux, ce qui rendit ceux-ci en grande partie indépendants. Ce fut ainsi que se relâchèrent et tombèrent enfin peu à peu ces liens d’intérêt qui attachaient au clergé les classes inférieures du peuple. Ils se relâchèrent et tombèrent même plus tôt encore que ceux qui attachaient les mêmes classes du peuple aux seigneurs, parce que les bénéfices de l’Église étant, pour la plus grande partie, de bien moindres domaines que les terres des seigneurs, le possesseur de chaque bénéfice fut bien plus tôt mis à même de dépenser tout son revenu au profit de sa personne. La puissance des seigneurs était encore en pleine vigueur dans la plus grande partie de l’Europe, pendant la majeure partie des quatorzième et quinzième siècles ; mais le pouvoir temporel du clergé, cet empire absolu qu’il avait eu autrefois sur la masse du peuple, était dès lors extrêmement déchu. La puissance de l’Église, à cette époque, était à peu près réduite, presque par toute l’Europe, à celle que pouvait lui donner son autorité spirituelle, et encore cette autorité spirituelle fut-elle fort affaiblie quand elle eut cessé d’être soutenue par la charité et par l’hospitalité du clergé. Les classes inférieures du peuple cessèrent de voir dans cet ordre, comme elles avaient fait auparavant, leur asile dans la disgrâce, leur soutien dans l’indigence. Au contraire, elles ne virent qu’avec éloignement et indignation la vanité, le luxe et les folles dépenses du riche clergé, qui prodiguait ouvertement à ses plaisirs ce qui avait toujours été considéré jusque-là comme le patrimoine des pauvres.

Dans ce nouvel état de choses, les souverains de différents États de l’Europe tâchèrent de recouvrer l’influence qu’ils avaient eue autrefois