Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/498

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les princes cependant se sont souvent engagés dans beaucoup d’autres projets de commerce, et n’ont pas dédaigné de chercher, comme des particuliers, à améliorer leur fortune en courant les hasards de différentes spéculations commerciales de la classe ordinaire ; ils n’ont jamais réussi, et il est à peu près impossible qu’il en soit autrement avec la prodigalité qui règne communément dans la gestion de leurs affaires. Les agents d’un prince regardent la fortune de leur maître comme inépuisable ; ils ne s’embarrassent pas du prix auquel ils achètent ; ils ne s’inquiètent guère à quel prix ils vendent ; ils ne comptent pas davantage ce qu’il leur en coûte pour transporter les marchandises d’un endroit dans un autre. Ces agents vivent souvent dans la profusion, comme les princes, et quelquefois aussi, malgré toutes ces profusions, et par la manière dont ils savent régler leurs comptes, ils acquièrent des fortunes de princes. C’est ainsi, à ce que nous dit Machiavel, que les agents de Laurent de Médicis, qui n’était pas un prince dépourvu de talents, menaient son commerce. La république de Florence fut obligée plusieurs fois de payer les dettes dans lesquelles l’avaient jetée leurs extravagances ; aussi trouva-t-il à propos d’abandonner le métier de marchand, métier auquel sa famille était originairement redevable de sa fortune, et d’employer par la suite ce qui lui restait de cette fortune, ainsi que les revenus publics dont il avait la disposition, à des dépenses et à des entreprises plus dignes du poste qu’il occupait.

Il semble qu’il n’y ait pas deux caractères plus incompatibles que celui de marchand et celui de souverain. Si l’esprit mercantile des directeurs de la compagnie des Indes anglaise en fait de très-mauvais souverains, l’esprit de souveraineté paraît aussi les avoir rendus de très-mauvais marchands. Tant qu’ils ne furent que marchands, ils conduisirent leur commerce avec succès, et se virent en état de payer sur leurs profits un dividende honnête à leurs actionnaires. Depuis qu’ils sont devenus souverains, ils se sont vus obligés, avec un revenu qui était originairement, à ce qu’on dit, de plus de 3 millions sterling, d’implorer humblement des secours extraordinaires du gouvernement, pour éviter une banqueroute imminente. Dans la première organisation de la compagnie, ses facteurs dans l’Inde se regardaient comme des commis de marchands ; dans l’organisation actuelle, ses facteurs se regardent comme des ministres de souverains.

Un État peut quelquefois composer une partie de revenu public avec