Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/543

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fit, ou de rejeter sur l’intérêt de l’argent[1], c’est-à-dire de payer moins d’intérêt. S’il élevait le taux de son profit à proportion de l’impôt, alors, quoique l’impôt pût être avancé par lui, cependant le payement définitif tomberait en entier sur l’une ou sur l’autre de deux classes de gens différentes, selon les différentes manières dont il emploierait le capital dont il a la direction. S’il l’employait, comme capital de fermier, à la culture de la terre, il ne pourrait faire hausser le taux de son profit qu’en retenant par ses mains une plus forte portion du produit de la terre, ou, ce qui revient au même, le prix d’une plus forte portion de ce produit ; et comme cela ne pourrait se faire qu’en réduisant le fermage, le payement définitif de l’impôt tomberait sur le propriétaire. S’il employait le capital comme capital de commerce ou de manufacture, il ne pourrait hausser le taux de son profit qu’en augmentant le prix de ses marchandises, auquel cas le payement final de l’impôt tomberait totalement sur les consommateurs de ses marchandises. En supposant qu’il n’élevât point le taux de son profit, il serait obligé de rejeter tout l’impôt sur cette portion du profit qui était destinée à payer l’intérêt de l’argent ; il rendrait moins d’intérêt pour tout ce qu’il aurait emprunté de capital et, dans ce cas, tout le poids de l’impôt porterait sur l’intérêt de l’argent. Tout l’impôt dont il ne pourrait pas se décharger d’une de ces manières, il serait obligé de s’en décharger de l’autre[2].

L’intérêt de l’argent paraît, au premier coup d’œil, un objet aussi susceptible d’être imposé directement que le revenu foncier. De même que le revenu foncier ou fermage de terre, c’est un produit net qui reste, toute compensation pleinement faite des risques et de la peine d’employer le capital. De même qu’un impôt sur le fermage des terres

  1. Communément, on ne parle de l’intérêt de l’argent que lorsque le capital a été emprunté par celui qui l’emploie. Cependant, que ce capital soit ou ne soit pas emprunté, il peut toujours être supposé tel dans tous les cas ; car le commerçant qui opère avec un capital à lui en propre retire dans son profit ce qui représente l’intérêt, tel qu’il l’eût payé si le capital eût été d’emprunt. C’est dans ce sens que doit être pris ici le mot d’intérêt de l’argent.
  2. Adam Smith raisonne ici comme si le taux des profits était fixe et inévitable, et qu’il ne pût diminuer par suite d’une nouvelle taxe ; il pense qu’elle serait payée soit par une hausse proportionnée des prix, soit par une réduction dans le taux des intérêts. Mais il n’explique pas pourquoi le taux des profits ne peut pas être réduit par une taxe générale tout aussi bien que létaux des intérêts. Si la taxe ne frappait que certaines branches de commerce, les capitaux s’en retireraient, et les profits s’élèveraient ainsi en proportion de la taxe. Mais quand l’imposition est générale, les capitaux ne peuvent pas se retirer, et il en résulte une baisse dans le taux des profits et dans le taux des intérêts. Si le taux des profits était de 10 pour 100 et que la taxe imposée s’élevât à 2 pour 100, l’intérêt du capital baisserait à coup sûr, puisque le rapport du capital deviendrait moindre. Mais il n’est pas probable que le fardeau pèserait entièrement sur les intérêts, il atteindrait en même temps les intérêts et les profits. Buchanan.