Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/597

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salaires ou de diminuer la demande du travail. Il ne pourrait pas faire hausser les salaires du travail sans rejeter sur les classes supérieures la charge finale de l’impôt. Il ne pourrait pas diminuer la demande de travail sans affaiblir le produit annuel des terres et du travail du pays, la source qui nécessairement fournit, en dernière analyse, à tous les impôts. Quel que puisse être l’état auquel un impôt de ce genre réduise la demande de travail, cet impôt a toujours nécessairement l’effet d’élever les salaires plus haut qu’ils n’auraient été sans lui dans cet état ; et il faut nécessairement, dans tous les cas, que le payement de cette élévation de salaire retombe en dernier résultat sur les classes supérieures du peuple.

Les liqueurs fermentées et les liqueurs spiritueuses que l’on fait chez soi, pour son usage particulier et non pour les vendre, ne sont assujetties à aucun droit d’accise dans la Grande-Bretagne. Cette exemption, dont l’objet est d’épargner aux ménages particuliers le désagrément des visites et des perquisitions du collecteur d’impôt, fait que la charge de ces droits porte souvent d’une manière bien plus légère sur les riches que sur les pauvres. Il n’est pas fort ordinaire, à la vérité, de distiller des liqueurs spiritueuses pour son usage particulier, quoique cela se fasse pourtant quelquefois. Mais dans la province, une grande partie des personnes de la classe moyenne, et presque tous les ménages riches et considérables, brassent leur bière chez eux. Par conséquent, leur bière forte leur coûte 8 sch. par baril[1] de moins qu’elle ne coûte au brasseur ordinaire, auquel il faut son profit, sur l’impôt comme sur tous les autres frais dont il fait l’avance. Ainsi, ces ménages-là doivent boire leur bière à 9 ou 10 sch. au moins de meilleur marché par baril que ne revient une boisson de même qualité aux classes inférieures, qui pourtant trouvent plus commode d’acheter leur bière, petit à petit, à la brasserie ou au cabaret ; de même, la drêche qui se fait dans un ménage pour l’usage de la maison n’est pas assujettie aux visites et aux perquisitions du percepteur de l’impôt ; mais dans ce cas, il faut que la maison paie un abonnement de 7 sch. 6 den. par tête, pour l’impôt. Ces 7 sch. 6 den. forment le montant du droit d’accise sur dix boisseaux de drêche, et c’est sans doute tout ce que peuvent consommer les membres d’un ménage frugal, pris indistinctement, hommes, femmes et enfants. Mais

  1. Ce droit a reçu en 1790 une augmentation qui est de 8 d. par baril si la bière est pour la consommation de Londres, et de 10 d. si elle est destinée aux provinces. dans de grandes et riches maisons de province.