Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/60

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toutes les marchandises de l’Europe, et par cette disposition on empêcha que les bâtiments de la Grande-Bretagne n’allassent charger en Hollande les marchandises des autres pays de l’Europe[1].

4° Le poisson salé de toute espèce, les fanons, huiles et graisse de baleine, quand la pêche et la préparation n’en ont pas été faites à bord de bâtiments de la Grande-Bretagne, ne peuvent être importés sans payer un double droit de douane étrangère.

Les Hollandais, qui sont encore les principaux pêcheurs de l’Europe, étaient alors les seuls qui entreprissent de fournir de poisson les pays étrangers. Ce règlement mit une très-forte charge sur l’approvisionnement que la Grande-Bretagne aurait pu tirer d’eux en ce genre.

Lorsque l’Acte de navigation fut passé, quoique l’Angleterre et la Hollande ne fus­sent pas en guerre pour le moment, néanmoins il existait entre les deux nations l’animosité la plus violente. Cette animosité avait commencé sous le gouvernement du long Parlement qui rédigea le premier l’Acte de navigation, et bientôt après elle éclata par les guerres qui eurent lieu avec la Hollande, pendant le protectorat et sous le règne de Charles II. Il n’est donc pas impossible que quelques-unes des dispositions de cet Acte célèbre aient été le fruit de l’animosité nationale. Elles sont néanmoins aussi sages que si elles eussent toutes été dictées par la plus mûre délibération et les intentions les plus raisonnables[2]. La haine nationale avait alors en vue précisément le même but que celui qu’eût pu se proposer la sagesse la plus réfléchie, c’est-à-dire l’affaiblissement de la marine de la Hollande, la seule puissance

  1. Whale-fins, whale-bones, c’est la baleine qui s’emploie pour corsets, parasols, etc., et qui se vend, ou fendue en lames, ou par fanons entiers. Ceux-ci valent communément le double de la baleine coupée. Il y a des fanons qui pèsent jusqu’à six et sept livres.
  2. Il y a de grands motifs de mettre en doute la sagesse d’une mesure qui porte une atteinte aussi grave à la liberté naturelle du commerce. Le principal but de cet acte est d’assurer le monopole de notre navigation, dans l’intérêt de notre puissance navale. Mais d’autres États ne pourraient-ils pas avoir recours aux mêmes moyens, et étant exclus de la navigation de la Grande-Bretagne, ne pourraient-ils pas à leur tour nous exclure de la navigation sur laquelle leur pouvoir s’étend ? Avec un système de liberté générale, d’autres États prendraient part à la navigation de la Grande-Bretagne, et la Grande-Bretagne participerait à la navigation générale du monde ; et on peut se demander si les chances d’acquérir une grande puissance navale nue seraient pas aussi grandes avec le principe de la liberté de la navigation, qu’avec un système de restriction. D’ailleurs la haine n’est jamais d’accord avec la sagesse. C’est un sentiment à la fois peu digne et contraire à la raison, et les mesures qu’il a fait naître portent le cachet de cet esprit d’aveuglement et de folie dans lequel elles ont été conçues. Buchanan.