Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/629

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prévoit l’impossibilité absolue d’emprunter. Cette dernière considération ajoute encore à la disposition naturelle où il est de faire des épargnes.

Le progrès des dettes énormes qui écrasent à présent toutes les grandes nations de l’Europe, et qui probablement les ruineront toutes à la longue, a eu un cours assez uniforme. Les nations, comme les particuliers, ont commencé, en général, par emprunter sur ce qu’on peut appeler le crédit personnel, sans assigner ou hypothéquer de fonds particuliers pour le payement de la dette ; et quand cette ressource leur a manqué, elles en sont venues à emprunter sur des assignations ou sur l’hypothèque de fonds particuliers.

Ce qu’on appelle la dette non fondée de la Grande-Bretagne est contractée dans la première de ces deux manières. Elle consiste, partie en une dette qui ne porte pas, ou du moins est censée ne pas porter d’intérêt, et qui ressemble aux dettes que fait un particulier sur un compte courant, et partie en une dette portant intérêt, qui ressemble à celles qu’un particulier contracte sur des billets ou promesses. Les dettes qui ont pour cause, soit des services extraordinaires, soit des services pour lesquels il n’y a pas de fonds de fait, ou bien qui ne sont pas payés à l’époque où ils sont rendus ; une partie de l’extraordinaire de l’armée, de la marine et de l’artillerie ; l’arriéré des subsides qui se payent aux princes étrangers, celui des salaires des gens de mer, etc., constituent ordinairement une dette de la première sorte. Les billets de la marine et de l’échiquier, qui ont été émis tantôt en payement des dettes ci-dessus, et tantôt pour d’autres objets, constituent une dette de la seconde sorte ; les billets de l’Échiquier portant intérêt du jour de leur émission, et les billets de la marine six mois après la leur. La Banque d’Angleterre, soit en escomptant volontairement ces billets pour leur valeur au cours de la place, soit en convenant avec le gouvernement, par des arrangements particuliers, de soutenir la circulation des billets de l’Échiquier, c’est-à-dire de les recevoir au pair, et de bonifier l’intérêt qui se trouve être alors échu, en maintient la valeur et en facilite la circulation ; ce qui met souvent le gouvernement à même de contracter une très-forte dette de cette espèce. En France, où il n’y a pas de banque, les billets de l’État[1] se sont quelquefois vendus à 60 et 70 pour 100

  1. Voyez l’Examen des réflexions politiques sur les finances. (Note de l’auteur.) Voyez tome I, page 385, note 1.