Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/665

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Amérique. Comme cette liqueur ne se garde que quelques jours, on ne peut pas la préparer et l’emmagasiner, pour la vente, dans de vastes brasseries, comme on fait de notre bière ; il faut que chaque ménage la brasse chez soi pour son usage, tout comme il faut qu’il fasse cuire ses aliments. Or, aller assujettir chaque ménage particulier aux visites et aux recherches désagréables des percepteurs de l’impôt, comme on y assujettit nos cabaretiers et nos marchands brasseurs, serait une chose tout à fait incompatible avec la liberté. Si, pour mettre de l’égalité, on jugeait nécessaire d’établir un impôt sur cette boisson, on pourrait l’imposer par un droit sur la matière avec laquelle elle se fait, qui serait perçu au lieu où se fabrique cette matière ; ou bien, si la nature du commerce rendait impropre un pareil droit d’accise, on l’imposerait par un droit sur l’importation de cette manière dans la colonie où devrait s’en faire la consommation. Outre le droit de 1 penny par gallon, imposé par le parlement d’Angleterre sur l’importation des mélasses en Amérique, il y a un impôt provincial de cette espèce sur les importations dans la colonie de Massachussets, si elles sont importées dans des vaisseaux appartenant une autre colonie, lequel droit est de 8 deniers par muid ; il y a pareillement un droit de 5 deniers par gallon sur leur importation des colonies du Nord dans la Caroline du Sud. Enfin, si l’on trouvait de l’inconvénient à l’une ou à l’autre de ces méthodes, on pourrait exiger une composition ou abonnement de la part de chaque ménage qui voudrait consommer de cette boisson, soit d’après le nombre des personnes qui composeraient le ménage, de la même manière que les ménages particuliers s’abonnent, en Angleterre, pour la taxe sur la drêche ; ou d’après la différence d’âge et de sexe de ces personnes, comme on le pratique en Hollande, pour la perception de divers impôts, ou bien à peu près comme sir Matthieu Decker propose de lever en Angleterre tous les impôts sur les objets de consommation. Ce mode d’imposition, comme on l’a déjà observé, n’est pas un mode très-convenable lorsqu’on l’applique à des objets d’une prompte consommation. On pourrait cependant l’adopter dans les cas où l’on n’en trouverait pas de meilleur.

Le sucre, le rhum et le tabac sont des marchandises qui, n’étant nulle part objets de nécessité, sont néanmoins devenues d’une consommation presque universelle et qui, par conséquent, sont extrêmement propres à être imposées. Si une union avec les colonies avait une fois lieu, alors on pourrait imposer ces denrées avant qu’elles sortissent des