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note sur les évêques du puy

doctrines régénératrices du christianisme. L’empire en déclin se rattacha par un effort suprême à l’Église, et, loin de mesurer au sacerdoce le pouvoir séculier, se complut à l’investir des attributions temporelles les plus larges. L’Église devint l’égale de l’État, pour mieux dire elle fut l’État lui-même. Les évêques reçurent dans les cités une prépondérance absolue. On n’a qu’à ouvrir les codes de Théodose et de Justinien pour y trouver les nombreux monuments législatifs, d’où sortit en faveur de l’épiscopat une grande magistrature civile, judiciaire, administrative.

Les évêques furent exempts de la plupart des impôts ; ils eurent à choisir, de concert avec les notables, les défenseurs des villes : ils veillèrent au patrimoine des hospices et autres établissements charitables ; ils furent commis à la tutelle des orphelins, des mineurs, des esclaves, des prisonniers. Leur juridiction, d’abord réduite aux personnes ecclésiastiques, ne tarda pas à s’étendre sur les citoyens de tout ordre. Le recours à l’évêque, en n’importe quelle matière contentieuse, passa vite à l’état de règle. Le régime municipal finit lui-même par se fondre complètement entre les mains du clergé. Les évêques reçurent charge de contrôler les opérations commerciales, de faire respecter les ordonnances sur les jeux de hasard, de vérifier les poids et mesures, et — dernière prérogative, la plus sérieuse de toutes — d’administrer, avec trois notables, les revenus des villes. Ainsi l’évêque, au temps des derniers Césars, par le cours naturel des choses et grâce à l’affaissement public, jouissait en sa ville d’une autorité presque dictatoriale : administrateur, juge, trésorier, ingénieur, chef de la voirie, officier de police, il disposait de tous les ressorts du pouvoir. C’est dans cette situation hors de pair que l’épiscopat eut à se mesurer avec les Barbares. À part quelques changements inévitables, l’évêque resta, sous la domination franque, le premier personnage de la cité. L’esprit conservateur de l’Église, la force de sa discipline, la majestueuse unité de sa hiérarchie garantirent dans ses grandes lignes sa primauté temporelle. Sans doute les tempêtes, déchaînées en Gaule sous les Mérovingiens et les Carlovingiens, altérèrent de