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Ce que nous cherchons, en effet, dans nos archives, à travers les décombres du passé, c’est l’homme lui-même, l’homme de tous les temps, avec ses fréquentes défaillances et ses rares grandeurs. Nous voulons savoir comment ont senti et vécu nos pères sur ce sol natal que nous foulons après eux ; leurs peines et leurs espoirs sont les nôtres ; c’est nous-mêmes que nous écoutons dans les échos de leur âme.

Les romans historiques ne sauraient satisfaire cette curiosité rétrospective ou plutôt ce sentiment de solidarité qui unit les générations disparues aux générations actuelles. Plusieurs de nos compatriotes, M. Louis de Vinols, par exemple, ont essayé de faire revivre en des tableaux de fantaisie les types les plus connus de la patrie vellave, mais il manque à ces œuvres d’imagination pure ce que M. Guizot appelle si justement le charme souverain de la réalité. Le lecteur se sent la dupe d’une fiction : les personnages, dont il suit les actes et les paroles, appartiennent trop au rêve du poète ou de l’artiste. Aussi éprouve-t-on une véritable joie si l’on se trouve en face d’un document où l’homme des temps jadis apparaît sans fard et sans masque, en pleine lumière de sa nature, tel que Dieu le fit. La pièce que nous publions nous a procuré cette joie, et nous avons hâte de la faire partager aux amis de notre histoire. Ce n’est point une de ces pièces d’apparat, rédigées à plaisir, où la vérité se cache sous des déguisements plus ou moins volontaires et officiels. Notre titre prend les hommes du XIIIe siècle en flagrant délit, avec les actes qui leur sont propres, les paroles qu’ils ont réellement prononcées. Dans cette procédure froide, sous ces témoignages authentiques apparaissent les passions et les mœurs de l’époque, les insolences de la force comme les plus nobles élans de la pitié et de la justice. Pour nous servir d’expressions d’atelier : c’est arrivé, c’est vu, c’est vécu.

Nous savons très peu de chose sur le vieux Saint-Julien-Chapteuil, et cependant il y eut autrefois, dans ces parages, un centre populeux, un prieuré important, une seigneurie de premier ordre et qui a fourni tout au moins une illustration litté-