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et d’y rester prisonnière sur parole. Cette garantie aurait dû être considérée comme la meilleure de toutes. Il n’en fut rien ; l’Administration décida que la commune d’Aurac fournirait, chaque jour, six hommes pour la garde de la châtelaine. À cette nouvelle, celle-ci se rend à la séance du Département : « Je déclare, Messieurs, dit-elle, que je ne donne plus la parole que j’ai offerte, si l’on met des gardes à ma porte. Choisissez entre les deux sûretés. Je ne puis me choquer de ce que vous ne croyez pas une honnête femme ; mon mari a beaucoup mieux prouvé qu’il était un bon patriote, mais, vous permettrez que, moi-même, je croie à ma probité et que je ne cumule pas ma parole avec des baïonnettes »[1].

Il fut convenu que l’on supprimerait la garde et que la municipalité rendrait compte tous les quinze jours à l’Administration de la présence de Mme de Lafayette à Chavaniac.

À leur retour au château, les prisonnières furent accueillies par de si grands témoignages d’affection que les administrateurs qui les accompagnaient en furent profondément attendris.

Le premier soin de Mme de Lafayette fut de faire partir son fils pour l’Angleterre, sous la conduite de son précepteur, avec la mission de s’efforcer d’obtenir, par l’intermédiaire de Washington, la liberté de son père, captif des Autrichiens dans la forteresse de Spandau. Depuis trois mois, elle n’en avait plus de nouvelles et ses angoisses étaient des plus vives.

Vers la fin de décembre, elle obtint, grâce encore à l’intervention de Rolland, un arrêté du Comité de Salut Public rapportant l’ordre en vertu duquel elle avait été arrêtée. Le premier usage qu’elle fit de sa liberté fut de se rendre au Puy, pour soutenir ses intérêts, car « elle regardait comme un devoir sacré de faire admettre, avant de s’expatrier, les droits des créanciers de son mari[2] ». Elle trouva un grand appui dans un ami de ce dernier, M. Marthory, avocat, et aurait probablement réussi

  1. Mme de Lasteyrie, loc. cit., p. 254.
  2. Mme de Lasteyrie, loc. cit., p. 274.