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LA SOCIOLOGIE POLITIQUE D’APRÈS M. TARDE

sion croissante des langues, des religions, généralise l’esprit de parti. Et c’est même là le caractère le plus net de l’évolution des partis, que l’agrandissement progressif de ces luttes, jadis urbaines, puis provinciales, aujourd’hui nationales et internationales.

Évolution politique. — La vie politique, qui tend à une constitution, comme la vie religieuse à un credo, comme la vie linguistique à une grammaire…, évolue dans le sens d’adaptations progressives et continuelles, de même que la vie organique. Nous savons que le pouvoir est une résultante d’idées et de besoins, émanés de découvertes et d’inventions. Donc, les transformations politiques sont une résultante des transformations religieuses, scientifiques et autres. Il est facile de montrer par des exemples variés qu’à chaque nouvelle invention, le pouvoir se déplace et se transforme, car de nouveaux besoins, de nouveaux intérêts, de nouveaux buts surgissent. Les découvertes dans le domaine spéculatif ne sont pas sans influence non plus, car elles transforment les idées sur le pouvoir. — Ces transformations ont-elles lieu suivant une loi précise ? Si les évolutions physiques et astronomiques obéissent à des principes mécaniques, les lois de limitation et de l’invention, et par suite les transformations du pouvoir, ne peuvent être dominées que par des principes de logique. Il y a, en effet, une série logique, une série irréversible, par conséquent, des découvertes. C’est une illusion de croire que les sociétés tendent à une même constitution, que les langues tendent à une même grammaire, les religions à un même credo ; ce que ces évolutions ont de commun entre elles, c’est qu’elles sont chacune une élaboration logique, une œuvre de logique sociale. — Toutefois, les évolutions politiques suivent une voie assez nette : elles partent de la diversité incohérente des pouvoirs, pour aboutir à leur diversité harmonieuse. Les pouvoirs, d’abord divisés et hostiles, se sont centralisés pour se diviser de nouveau, mais d’accord entre eux ; et ce qui importe précisément, c’est, non la division des pouvoirs, mais leur harmonie dans cette division. — On peut saisir aussi sous la multiformité des évolutions politiques, une tendance incessante à se démocratiser ; et enfin il semble que le pouvoir devienne de plus en plus impersonnel. — Quoi qu’il en soit, il est possible de prévoir un ennoblissement final du pouvoir, par son agrandissement même.