Page:Société des amis des sciences, de l’industrie et des arts de la Haute-Loire - Mémoires et procès-verbaux, 1878, Tome 1.djvu/235

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
161
documents et notes sur le velay

aux vues supérieures, avides seulement d’aller au plus pressé. Or, le pressé, en cette heure de 1307, était de vivre : Primum vivere, deinde philosophare. Maître pour maître, les gens du Puy préféraient le roi dont ils sentaient moins la férule. Et puis il ne déplaît point aux foules de voir un fouet ou un sabre dans les mains du pouvoir, dès que les gouvernants font bien aller les affaires, comme on dit aujourd’hui, ou refrènent les insolences des tyranneaux domestiques, comme on devait dire en 1307[1]. Le peuple ne comprend guère les principes abstraits, les doctrines transcendantes : il s’en tient aux réformes visibles, aux résultats acquis. Philippe le Bel était un esprit positif, un homme d’affaires, insensible aux beaux raisonnements, dédaigneux des théories, allant droit au but. On peut critiquer ses principes et sa morale ; rien de plus facile : on est forcé toutefois de reconnaître son entente parfaite des intérêts matériels de l’époque ; il excellait dans les choses de police, s’entendait à merveille aux questions de voirie, de finances, d’édilité, aux problèmes de la production et de la consommation courantes et autres points secondaires de la science économique. Les petits aspects de l’art de régner souriaient à sa nature sans idéal mais ferme et clairvoyante. On peut citer comme exemple de ce génie administratif

  1. Il nous souvient à cet égard — si parva licet componere magnis — des secrets conseils adressés à Louis XVI par Mirabeau, après les écroulements de 1789 et de 1790. Au dire de Mirabeau, la chute de l’ancien régime laissait au pouvoir monarchique, seul debout en face de tant de ruines, une place nette, une initiative propice à tous les efforts d’une régénération bienfaisante. Sur cette table rase un roi énergique pouvait graver à son aise. Le roi avait carte blanche, à lui d’agir. Le nivellement général offrait un terrain déblayé à un esprit novateur et créateur. L’expérience du moins pouvait être tentée.

    Il était advenu à la couronne — toute proportion gardée — une attitude semblable en 1307. La féodalité militaire ou épiscopale, en détruisant les communes, avait supprimé un élément considérable de résistance à la centralisation. Si le tiers état était resté en Velay un facteur sérieux, il eût pu servir de tampon entre l’évêque et le roi. La commune détruite ou énervée, Philippe le Bel n’avait qu’à compter avec l’évêque. C’est ainsi qu’en Velay et ailleurs l’affaiblissement des libertés municipales prépara la voie aux conquêtes de la royauté absolue. — Nous notons en courant cet aspect du pariage de 1307. Il serait utile peut-être d’y revenir.