Page:Solvay - La Fanfare du cœur, 1888.djvu/5

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Pourquoi vieillir au temps des roses,
Quand frissonnent les bois ombreux ?
Regrets amers, soucis moroses
Ont fait blanchir vos blonds cheveux…
Il est passé, le temps heureux,
Le temps des baisers et des roses !

Pourquoi mourir au temps des roses,
Jeunes filles, charmes d’un jour,
Chétives fleurs à peine écloses ?
Quand il est, avant votre tour,
Encor tant d’espoir et d’amour,
Pourquoi mourir au temps des roses ?



 
Marquise, l’air est plein d’ivresses ;
Les petits Cupidons moqueurs
Tendent leurs embûches traîtresses,
Où se laissent prendre les cœurs.

Le printemps à toutes les branches
Fait pousser, caprice jaloux,
Comme des myriades blanches
De rubans et de billets doux.

Le feuillage bruit plus tendre
Et la mousse a des chatoiements
Qui semblent, inquiets, attendre
Les baisers roses des amants.

Si vous n’étiez d’antique souche,
Marquise, je me pencherais
Langoureusement sur la bouche,
Et nous irions dans les forêts ;

Nous irions dans le taillis sombre
Écouter les merles siffler,
Et nous conter l’histoire, à l’ombre,
Que l’on se dit sans se parler !

Mais vous êtes, jeune douairière,
De trop excellente maison
Pour que ma flamme roturière
Ose brûler votre blason.