Page:Sophocle, trad. Leconte de Lisle, 1877.djvu/352

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les cuisses consacrées, et de faire des libations ? Car tel a été ton prétexte pour me rejeter. Périssez misérablement ! Vous périrez, vous qui m’avez outragé, si les Dieux ont souci de la justice. Certes, je sais bien ceci : vous n’auriez jamais fait ce chemin pour le malheureux homme que je suis, si vous n’aviez été excités divinement par l’aiguillon du remords. Ô terre de la patrie, Ô Dieux qui voyez tout, vengez, vengez-moi d’eux tous, au moins quelque jour, si vous m’avez en pitié. Je mène une vie misérable, mais si je les voyais perdus, je me croirais alors guéri de mes maux.

LE CHŒUR.

Cet étranger est violent, Odysseus, et il parle avec violence, comme un homme que le mal n’a point vaincu.

ODYSSEUS.

Si le temps m’en était donné, je répondrais beaucoup de choses à ses paroles, mais, maintenant, je ne puis dire qu’un seul mot. Là où il est nécessaire d’agir avec ruse, je suis rusé ; là où il y a une contestation d’hommes justes et bons, tu ne trouveras pas facilement un homme plus pieux que moi. Certes, il est dans ma nature de toujours désirer la victoire, excepté en ce qui te concerne. Maintenant, je te céderai volontiers. Laissez-le donc, ne le touchez plus, permettez-lui de rester. Tu ne nous feras point faute, puisque nous possédons tes armes. Teukros, habile dans cet art, est parmi nous ; et je pense que je ne vaux pas moins que toi pour manier cet arc et atteindre le but. Qu’avons-nous besoin de toi ? Vis, et habite à Lemnos. Nous partons. Cet arc me donnera peut-être la gloire que tu devais posséder.