Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/111

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troubleras mon sacrifice par tes clameurs funestes ?

ÉLECTRE.

Offre ce sacrifice, j’y consens, je le désire ; tu ne te plaindras plus de mes discours, car je ne dirai plus rien.

CLYTEMNESTRE[1].

Toi, apporte ces offrandes de fruits de toute espèce, afin qu’Apollon les reçoive avec mes vœux et dissipe les frayeurs qui m’agitent à présent. Toi, dieu tutélaire[2], écoute ma prière secrète ; car ici je ne suis pas entourée d’amis, et je ne puis te révéler tout, en présence de cette fille, qui irait, dans sa haine, semer par toute la ville ses mensonges et ses cris. Mais daigne entendre le sens caché de mes paroles. Si le songe obscur qui m’est apparu cette nuit est un heureux présage, Apollon Lycien[3], veuille l’accomplir ; mais, s’il est de mauvais augure, tourne-le contre mes ennemis. Si quelques pièges sont dressés contre ma puissance, empêches-en l’effet ; que toujours heureuse et tranquille, je possède en paix le sceptre des Atrides, et passe des jours prospères, entourée de ceux qui me sont chers, et des enfants qu’une haine amère n’anime pas contre moi[4] ! O Apollon Lycien ! sois-moi favorable, exauce nos vœux tels que nous te les adressons : quant aux autres[5], sur lesquels je me tais, tu es dieu, et tu peux les comprendre ; car il n’est rien de caché aux enfants de Jupiter.



LE GOUVERNEUR.

Étrangères, pourrais-je savoir avec certitude si c’est là le palais du roi Égisthe ?

  1. Elle s’adresse d’abord à une des femmes de sa suite.
  2. C’est en sa qualité de dieu tutélaire, que l’on plaçait la statue d’Apollon à l’entrée des maisons. (Voir R. Rochette, Antiquités du Bosphore, p. 197.)
  3. Voir plus haut la note 3 sur les vers 6 et 7.
  4. Elle parle sans doute ici des enfants qu’elle a eus d’Égisthe, comme on l’a vu au v. 589.
  5. Ces autres vœux, qu’elle laisse deviner, sont la mort d’Oreste.