Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/118

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t’a envoyé. Mais entre dans ce palais, et laisse-la dehors exhaler ses cris sur ses malheurs et ceux de ses amis.



ÉLECTRE.

L’avez-vous vue, comme une mère affligée et désespérée, verser des larmes douloureuses et se lamenter sur la mort déplorable de son fils, la misérable ? au contraire, elle s’est retirée avec un rire insultant. O malheureuse Électre ! ô frère chéri ! que ta mort m’est fatale ! Elle a arraché de mon cœur le seul espoir que j’y gardais, de te voir un jour apparaître vivant, pour venger mon père et moi-même. Mais maintenant, où dois-je aller ? je suis seule, privée de mon père et de toi. Il me faudra encore être esclave au milieu de mes plus cruels ennemis, les meurtriers de mon père. N’est-ce pas là un sort bien heureux ? Mais non, je ne resterai plus avec eux sous le même toit ; sans amis, abandonnée de moi-même, je me consumerai de douleur[1] à la porte de ce palais. Si mes larmes importunent quelqu’un de ceux qui l’habitent, qu’il me tue ; mourir me sera doux, vivre, au contraire, m’est un supplice ; je n’ai nul regret de la vie.

LE CHŒUR.

(Strophe 1.) Où sont donc les foudres de Jupiter, où est le Soleil resplendissant, si, témoins de tant d’horreurs, ils les cachent avec indifférence ?

ÉLECTRE.

Hélas ! hélas !

LE CHŒUR.

O ma fille, pourquoi pleurer ?

ÉLECTRE.

O dieux !

LE CHŒUR.

Ne pousse pas de si grands cris.

ÉLECTRE.

Tu me fais mourir.

  1. La même expression se retrouve dans Philoctète, v. 954.