Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/121

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ÉLECTRE.

Comment aurais-tu trouvé un soulagement à mes douleurs, pour lesquelles je ne vois point de remède ?

CHRYSOTHÉMIS.

Oreste est ici, près de nous, sache-le de moi, sois-en aussi certaine que tu l’es de me voir.

ÉLECTRE.

Es-tu dans le délire, infortunée, et te ris-tu de tes maux et des miens ?

CHRYSOTHÉMIS.

J’en atteste nos dieux domestiques[1], ce n’est pas pour me jouer de toi ; mais, je le répète, il est ici.

ÉLECTRE.

Ah ! malheureuse que je suis ! et de quel homme as-tu appris cette nouvelle, pour y ajouter une foi si crédule ?

CHRYSOTHÉMIS.

Je n’en crois que moi-même et nul autre, j’en ai vu des preuves évidentes, et j’y ajoute foi.

ÉLECTRE.

Malheureuse, quelles sont ces preuves ? Qu’as-tu donc vu qui excite en toi cette ardeur de joie insensée ?

CHRYSOTHÉMIS.

Écoute donc, au nom des dieux, et ensuite tu décideras si je suis folle ou raisonnable.

ÉLECTRE.

Parle donc, si tel est ton plaisir.

CHRYSOTHÉMIS.

Oui, je te dirai tout ce que j’ai vu. Arrivée à l’antique tombeau de notre père, je vois des ruisseaux de lait récemment versé, et le sépulcre même paré à l’entour de toutes sortes de fleurs. Surprise à cette vue, je regarde

  1. Πατρώαν έστίαν signifie ici ce que les Latins appelaient Lar familiaris. Dans Plaute, prologue de l’Aulularia, le Lar familiaris se donne lui-même pour un des ancêtres de la famille. Peut-être Chrysothémis atteste-t-elle ici l’âme de son père.