Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/142

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

apprends que tu es l’homme du monde que j’ai le plus haï et le plus aimé dans un même jour.

LE GOUVERNEUR.

C’en est assez. Bien des nuits et autant de jours s’écouleront à te raconter, Électre, tout ce qui s’est passé dans cet intervalle. Vous, Oreste et Pylade, je vous avertis que voici le moment d’agir ; maintenant Clytemnestre est seule, maintenait il n’y a point d’hommes dans le palais ; mais si vous différez, songez que vous aurez en outre à combattre une foule plus habile et plus redoutable.

ORESTE.

Ce ne sont plus de longs discours qu’il nous faut, Pylade ; mais entrons au plus tôt, après avoir salué les statues des dieux de notre famille, qui veillent au vestibule de ce palais.

ÉLECTRE.

Puissant Apollon, sois favorable à leurs vœux, ainsi qu’à moi, qui t’ai souvent adressé de mes mains suppliantes les offrandes dont je pouvais disposer ! Maintenant, Apollon Lycien[1], je t’offre ce qui est en mon pouvoir, de simples prières ; je t’en supplie, je t’en conjure, assiste-nous dans cette entreprise, et montre aux mortels quel prix les dieux réservent à l’impiété[2].



LE CHŒUR.

(Strophe.) Voyez comme le dieu Mars s’élance altéré du sang que lui a préparé la Discorde. Déjà entrent dans le palais, vengeresses d’horribles attentats, les Furies inévitables[3] ; il ne tardera donc plus longtemps à se réaliser, le rêve de mon cœur, encore en suspens.

  1. Voir les notes sur les vers 6 et 645.
  2. Oreste et Pylade entrent dans le palais.
  3. Le texte dit : « Les chiennes inévitables. » Eschyle a le premier employé cette expression dans les Choéphores, v. 911 ; les Euménides, v. 246. Voyez aussi les Bacchantes, v. 853 ; l’Électre d’Euripide, v. 1349.