Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/158

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qui peuvent à peine se soutenir, des prêtres appesantis par la vieillesse, et moi, pontife de Jupiter, et l’élite de la jeunesse ; le reste du peuple, portant des branches d’olivier, se répand sur les places publiques, devant les deux temples de Pallas[1], près de l’autel prophétique de l’Isménos[2]. Car Thèbes, tu le vois toi-même, trop longtemps battue par l’orage, ne peut plus soulever sa tête de la mer de sang où elle est plongée ; la mort atteint les germes des fruits dans les entrailles de la terre ; la mort frappe les troupeaux, et fait périr l’enfant dans le sein de sa mère ; une divinité ennemie, la peste dévorante, ravage la ville et dépeuple la race de Cadmus ; le noir Pluton s’enrichit de nos pleurs et de nos gémissements[3]. Ce n’est pas que nous t’égalions aux dieux, quand nous venons, ces enfants et moi, implorer ton secours, mais nous voyons en toi le premier des mortels pour conjurer les malheurs de la vie, et la colère des dieux : c’est toi qui, en paraissant dans la ville de Cadmus, l’as affranchie du tribut qu’elle payait au sphinx cruel, et cela, sans être instruit ni éclairé par nous ; mais avec l’aide des dieux, chacun le dit et le

  1. Selon le scholiaste, il y avait à Thèbes deux temples consacrés à Minerve, l’un sous le nom d’Oncée, l’autre sous le nom d’Isménie. D’autres désignaient Minerve sous les noms d’Alalcoménie et de Cadméenne. Il est fait mention de Minerve Oncée dans Eschyle, Sept c. Thèb., v. 164 et 487, et dans Pausanias, IX, XII, 2.
  2. Il y avait un temple d’Apollon sur les bords de l’Isménos, rivière de la Béotie, d’où ce dieu reçut le nom d’Isménien. (Pausanias, IX, 10.) Hérodote (VIII, 1 34) parle des oracles qu’il rendait. Le texte porte μαντείᾳ σποδῷ, la cendre prophétique, parce qu’on y découvrait l’avenir par la flamme qui consumait les victimes.
  3. Cette description de la peste, sur laquelle le Chœur reviendra plus bas (v. 168 et suiv.), semble indiquer un souvenir récent du fléau qui avait ravagé Athènes pendant la deuxième année de la guerre du Péloponnèse. (Voir Thucydide, II, 49.) On aurait ainsi un moyen de marquer une date approximative à la représentation de l’Œdipe Roi. Voyez la notice en tête de la pièce. Quant à l’expression poétique, La Fontaine, parlant de la peste, a dit aussi :
    Capable d’enrichir en un jour l’Achéron.