Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/160

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absence ; car elle se prolonge plus qu’elle ne devrait. Mais quand il sera de retour, je serais alors bien coupable, si je n’exécutais tous les ordres du dieu.

LE GRAND PRÊTRE.

C’est fort à propos que tu en parles, car voici qu’on m’annonce l’arrivée de Créon.

ŒDIPE.

Divin Apollon, puisse son heureux retour nous apporter le salut, que son air radieux semble présager !

LE GRAND PRÊTRE.

Selon les apparences, il est joyeux ; autrement il ne viendrait pas ainsi, la tête couronnée de laurier[1].



ŒDIPE.

Nous le saurons bientôt, il est assez près pour entendre. Fils de Ménécée, toi qui m’es uni par les liens du sang, quelle réponse nous apportes-tu de la part du dieu ?

CRÉON.

Favorable ; car cette crise même[2], si nous savons habilement la mener à fin, se changera en prospérité.

ŒDIPE.

Que signifie ce langage ? En effet ces paroles que tu profères n’excitent ni ma confiance ni mes appréhensions.

CRÉON.

Si tu désires m’entendre en présence de cette foule, je suis prêt à parler, ou bien à te suivre dans le palais.

ŒDIPE.

Parle en présence de tous ; car leur malheur me touche plus que le soin de ma propre vie.

  1. La couronne était en général le signe d’une heureuse nouvelle. (Voir Électre, p. 71 ; Tite-Live, XXIII, 11 ; Plutus, vers 21.)
  2. Dans cette réponse en style d’oracle, le mot δύσφορα est employé dans un double sens : d’abord la signification générale, nos malheurs ; puis un sens particulier, la recherche difficile du meurtrier de Laïus.