Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/161

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CRÉON.

Je dirai donc la réponse que j’ai reçue du dieu. Apollon nous enjoint clairement de chasser de cette terre un monstre qui la souille, et qu’elle nourrit dans son sein, et de ne pas y souffrir plus longtemps sa présence inexpiable.

ŒDIPE.

Quelle expiation devons-nous faire ? quelle est la nature de ce fléau ?

CRÉON.

Il faut bannir le coupable, ou punir le meurtre par un meurtre, car le sang versé déchaîne la tempête sur notre ville.

ŒDIPE.

Quel est donc l’homme dont il rappelle le meurtre ?

CRÉON.

Prince, Laïus régnait autrefois sur cette contrée, avant que tu en fusses le roi.

ŒDIPE.

On me l’a dit ; car mes yeux ne l’ont jamais vu.

CRÉON.

Il a péri, et maintenant le dieu nous enjoint clairement de punir ses meurtriers.

ŒDIPE.

Mais où sont-ils ? où découvrir la trace effacée d’un crime si ancien ?

CRÉON.

Ils sont en ce pays, a dit le dieu. Ce que l’on cherche, on le trouve ; mais ce qu’on néglige nous échappe.

ŒDIPE.

Est-ce dans la ville ? est-ce à la campagne, ou sur une terre étrangère, que le meurtre de Laïus a été commis[1] ?

  1. Selon Voltaire, Lettres sur Œdipe, « il n’est pas naturel qu’Œdipe ignore comment son prédécesseur est mort. » L’auteur explique un peu plus bas, v. 128- 131, comment le mal présent dont le Sphinx accablait les Thébains, fit oublier un crime encore obscur, et empêcha d’en rechercher les auteurs. D’ailleurs, l’excuse du poète est que ces faits n’appartiennent pas à l’action même, mais qu’ils sont antérieurs. C’est la remarque d’Aristote lui-même dans sa Poétique, c. XVIII et XXV.