Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/231

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ŒDIPE.

Lui demander un léger service, dont il recevra une précieuse récompense.

L’ÉTRANGER.

Et quel bienfait peut-il attendre d’un homme privé de la vue ?

ŒDIPE.

Tout ce que je dirai n’en sera pas moins clair[1] et sensé ?

L’ÉTRANGER.

Sais-tu, étranger, ce que tu dois faire pour ne point faillir ? car, pour qui te voit, tu es respectable, malgré ta mauvaise fortune ; reste à la place où tu es, jusqu’à ce que, sans aller à la ville, j’aie porté cette nouvelle aux habitants de ce bourg : car ce sont eux qui décideront si tu dois rester ou partir.

ŒDIPE.

Ma fille, l’étranger est-il parti ?

ANTIGONE.

Il est parti, mon père, tu peux donc parler en paix, car je suis seule auprès de toi.



ŒDIPE.

O déesses vénérables, à l’aspect terrible, puisque le premier lieu de cette terre où je me suis arrêté vous est consacré, ne soyez point contraires à Apollon ni à moi ; ce dieu, lorsqu’il me prédit tous mes malheurs, m’annonça aussi que j’en trouverais le terme après de longues épreuves, à mon arrivée en un lieu où je serais accueilli dans le séjour des Vénérables Déesses ; et que là je finirais ma triste vie[2],

  1. Ορῶντα, voyant. C’est ainsi que Cicéron, Tuscul., V, c. 38, dit de l’aveugle Cn. Aufidius : « Videbat in litteris. »
  2. Κάμψειν βίον, tourner la vie, comme un char tourne la borne, qui marque la fiu de la carrière.