Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/233

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agir avec prudence[1], jusqu’à ce que j’aie entendu leur entretien.

LE CHŒUR.

(Strophe 1.) Regarde ; qui était-ce ? où reste-t-il ? où s’est-il sauvé, en s’échappant de ces lieux, cet homme, le plus téméraire des mortels ? Vois, regarde , cherche-le partout. Ce vieillard est sans doute quelque étranger errant, autrement eût-il osé pénétrer dans le bois impénétrable des inexorables déesses, que nous redoutons de nommer, et devant lesquelles nous passons en détournant les yeux, en étouffant la voix, en ne laissant échapper qu’une prière silencieuse[2] ? Mais on dit à présent qu’un mortel audacieux y a porté ses pas ; je promène en vain mes regards à travers tout le bois sacré, je ne puis voir où il se tient.

ŒDIPE.

Me voici, c’est moi ; car dans ces paroles je vois l’accomplissement de l’oracle[3].

LE CHŒUR.

Hélas ! que son aspect, que son langage est effrayant !

ŒDIPE.

Je vous en conjure, ne voyez point en moi le violateur des lois.

LE CHŒUR.

Jupiter sauveur ! quel est ce vieillard ?

ŒDIPE.

C’est un homme au comble de l’infortune[4] ; vous le

  1. Littéralement : « Dans le savoir est la prévoyance des choses que l’on fait. »
  2. Voir plus loin, au v. 489.
  3. Bake traduit : « E vestra voce enim, e. e. e vestra oratione, oraculum evenire video, agnosco. » M. Berger explique τὸ φατιζόμενον, synonyme de κατά τὸ λεγόμενον, comme on dit. Dans l’édition F. Didot, ut aiunt.
  4. Il y a dans le texte : « Un homme qui n’a pas à se féliciter de la plus brillante destinée. » Cette tournure négative, quia beaucoup de force dans la langue grecque, n’aurait pas la même énergie en français. — M. Berger remarque très-justement que οὺ πανυ πρώτης équivaut à ὲσχάτης μοιρας.