Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/278

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impie envers toi, il ne t’est pas permis, ô mon père, de lui rendre mal pour mal. Laisse-le donc venir. D’autres aussi ont des enfants coupables et un vif ressentiment, mais, dociles à des voix amies, ils ont calmé leur courroux. Toi, songe à ces maux passés que tu as eu à souffrir de ton père et de ta mère ; en y pensant, tu reconnaîtras, j’en suis sûre, les suites funestes d’une aveugle colère. Tu en as une preuve terrible dans la privation de la vue à laquelle tu t’es réduit. Cède donc à nos instances ; car il ne convient pas de laisser attendre longtemps ce qu’on demande de juste, et il n’est pas bien de ne pas savoir rendre un service après en avoir reçu.

ŒDIPE.

Mes enfants , elle m’est bien amère la joie de la victoire que vous remportez sur moi ; cependant soyez satisfaites. Seulement, Thésée, puisqu’il doit venir, ne souffre pas que personne me fasse violence.

THÉSÉE.

O vieillard, il suffit de l’avoir dit une fois. Je ne veux point vanter ma puissance, mais sache que tu n’as rien à craindre, tant que les dieux prendront soin de mes jours.

(Thésée quitte la scène.)



LE CHŒUR.

(Strophe.) Celui qui, peu content de la mesure ordinaire de la vie, veut en reculer les bornes, montre à mon sens bien de la démence ; car les longs jours ne font qu’ajouter à nos souffrances, et l’on ne voit pas où est le plaisir, dès que l’on tombe dans l’excès du désir ; il n’est pas même rassasié, lorsque la Parque fatale, qui nous traite tous également, et pour qui l’hymen, ni la lyre, ni les danses n’ont plus de charmes, lorsque la mort se présente enfin.

(Antistrophe.) Ne pas naître est le premier des bonheurs ; mais, une fois né, le second degré du bonheur