Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/289

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toucheras au terme de ta vie, ne le révèle qu’au plus puissant après toi[1], pour que lui-même le transmette ainsi à ses successeurs : alors cette ville n’aura rien à craindre des fils de Cadmus[2]. La plupart des cités, même avec un sage gouvernement, se laissent aller à la violence ; car les dieux ne jettent souvent qu’un regard tardif sur les insensés qui outragent les choses divines. Puisses-tu, fils d’Égée, ne rien éprouver de semblable ! Il est vrai, tu sais déjà ce que je veux t’apprendre. Mais la volonté des dieux me presse, marchons au lieu marqué, ne tardons pas davantage. Suivez-moi, mes filles ; je vous servirai de guide à mon tour, comme vous avez été celui de votre père. Venez, ne me touchez pas, et laissez-moi trouver seul le tombeau sacré où le Destin a marqué ma sépulture. De ce côté, venez de ce côté[3] ; Mercure, conducteur des âmes, et la déesse des enfers, m’indiquent cette route. O lumière invisible à mes yeux, mais que j’ai pu contempler autrefois, mon corps ne sentira plus l’effet de tes rayons ; car déjà je marche au lieu où vont s’ensevelir mes jours. O le plus chéri des hôtes, et vous tous, habitants de cette contrée, puissiez-vous être toujours heureux, et, dans le cours d’une prospérité éternelle, vous rappeler le souvenir d’Œdipe !

(Œdipe emmène Thésée et ses filles. Le Chœur reste seul sur la scène.)



LE CHŒUR.

(Strophe.) S’il m’est permis de t’implorer, ô Déesse du sombre empire, et toi, Pluton, qui règnes sur les mânes, je vous conjure d’accorder à cet étranger de pas-

  1. C’est-à-dire à ton héritier.
  2. « C’est ainsi que tu habiteras une ville inexpugnable aux guerriers issus des dents du dragon. »
  3. Sur ce passage, voyez Longin, Du Sublîme, c. XV, où il fait l’éloge de ce discours d’Œdipe.