Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/313

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tueux : mais celui qui a bien mérité de la patrie, celui-là, vivant ou mort, sera également honoré par moi.

LE CHŒUR.

Telle est ta volonté, Créon, fils de Ménécée, sur l’ennemi de notre patrie, et celui qui fut son ami. Tu as apparemment le droit d’appliquer toute espèce de lois, et à ceux qui sont morts, et à nous qui vivons.

CRÉON.

Veillez donc à l’exécution de mes ordres.

LE CHŒUR.

Impose ce fardeau à de plus jeunes que nous.

CRÉON.

Mais il y a, en effet, des gardes qui veillent auprès du cadavre.

LE CHŒUR.

Quel est donc cet autre ordre que tu voudrais nous enjoindre encore ?

CRÉON.

De ne pas tolérer ceux qui désobéiraient à mes volontés.

LE CHŒUR.

Il n’est pas d’homme assez fou pour désirer de mourir.

CRÉON.

Tel sera, en effet, le salaire. Mais souvent l’espoir du gain entraîne souvent les hommes à leur perte.

UN GARDE.

O roi, je ne dirai pas que l’empressement m’a mis hors d’haleine, pour avoir couru d’un pied léger. En effet, l’inquiétude m’a fait faire bien des pauses en route, et m’a tenté plusieurs fois de revenir sur mes pas. Je me disais souvent au fond de l’âme : « Où vas-tu, malheureux ? tu cours à ta perte. Mais si tu demeures, Créon apprendra le fait par un autre, et comment alors échapperas-tu au châtiment ? » C’est en roulant de telles pensées dans