Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/411

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LE CHŒUR.

Ce jeune guerrier commande notre vaisseau ; tout ce qu’il pourra te dire, nous aussi nous te le disons.

NÉOPTOLÈME.

Ulysse m’accusera d’un naturel trop compatissant ; demeurez toutefois, si Philoctète le désire, jusqu’à ce que tout soit prêt pour le départ[1], et que nous ayons adressé nos prières aux dieux[2]. Peut-être, dans cet intervalle, prendra-t-il des sentiments plus favorables pour nous. Ulysse et moi nous partons donc ; pour vous, accourez à notre premier signal.

(Il part avec Ulysse.)



PHILOCTÈTE.

(Strophe 1.) O caverne, mon asile contre les chaleurs de l’été et contre les frimas ! je devais donc ne jamais te quitter ! Malheureux ! mais tu seras aussi mon asile après ma mort. Hélas ! hélas ! ô séjour rempli des tristes accents de ma douleur, quelle sera désormais ma nourriture de chaque jour ? où trouverai-je de quoi soutenir ma vie ? d’où tirer quelque espérance ? Oh ! si les oiseaux[3] fugitifs pouvaient m’enlever au haut du ciel, à travers les airs frémissants ! car je ne peux plus me défendre.

LE CHŒUR.

Tu es toi-même, oui toi-même, l’auteur de ton malheur, toi que la destinée accable, ce n’est pas d’ailleurs d’une cause plus puissante que vient la mauvaise fortune qui te frappe aujourd’hui ; quand tu pouvais être sage et choisir un sort plus heureux, tu as préféré l’infortune.

  1. Littéralement : « jusqu’à ce que les matelots aient rembarqué sur le vaisseau ce qu’on avait débarqué. »
  2. Pour obtenir d’eux une heureuse navigation.
  3. Le scholiaste prétend qu’il s’agit ici des Harpyes ; et comme les Harpyes étaient la personnification des tempêtes, Buttmann et M. Berger entendent πτωκάδες dans le sens de θύελλαι, les tempêtes.