Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/445

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choisies pour les consacrer au service des dieux et au sien.

DÉJANIRE.

Est-ce donc devant cette ville qu’Hercule a passé tous les jours innombrables de sa longue absence ?

LICHAS.

Non ; il dit lui-même en avoir passé la plus grande partie en Lydie, dans l’esclavage. Mais il ne faut pas, ô femme, lui reprocher un mal dont Jupiter est l’auteur[1].

Vendu à Omphale, reine barbare, il resta un an tout entier esclave, comme il le raconte lui-même ; et il conçut de cet affront un tel ressentiment, qu’il jura de punir l’auteur de cet attentat, et de le réduire un jour en servitude avec sa femme et ses enfants. Et sa parole n’a pas été vaine : mais quand il se fut purifié[2], il marcha avec une armée contre la ville d’Eurytos ; car il nommait celui-ci comme la cause unique de son affront ; Eurytos, en effet, qui l’avait reçu dans ses foyers, violant les droits d’une ancienne hospitalité, l’accabla d’outrages et médita contre lui des traitements ignominieux[3], disant qu’Hercule, quoique possesseur de flèches inévitables, le cédait toutefois à ses fils dans l’art des archers[4] ; il lui reprochait de se laisser fouler aux pieds comme un esclave par Eurysthée ; un jour enfin qu’il s’était enivré dans un banquet, il le chassa du palais. Aussi, dans sa colère, Hercule, rencontrant, sur les hauteurs voisines de Tyrinthe[5], Iphitos, qui cherchait les traces de cavales égarées, pendant que ses yeux étaient occupés d’un côté,

  1. Ζὲυς ὅτου πράκτωρ φανῆ. Plus bas, v. 680, nous verrons encore : Κύπρις τῶν δ᾽έφάνη πράκτωρ. Cette expression est imitée des Euménides d’Eschyle, v. 319-320 :
    Πράκτορες αῖματος
    Αὺτῷ τελέως ὲφάνημεν.
  2. Du meurtre d’Iphitos. Voir plus haut, v. 38.
  3. Voyez un peu après, vers 268.
  4. Eurytos était lui-même habile archer, d’après l’Odyssée, VIII, v. 224. V. aussi Théocrite, Idyll. 24, v. 103 et suivants.
  5. Ville de l’Argolide, près d’Argos, non loin du golfe Argolique.