Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/463

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actes horribles ; mais il ne faut pas bannir toute espérance avant l’événement.

DÉJANIRE.

Dans les desseins coupables, il ne reste plus même d’espérance capable de rassurer notre cœur.

LE CHŒUR.

Mais la colère s’adoucit[1] pour les fautes involontaires, et la tienne mérite l’indulgence.

DÉJANIRE.

Ce n’est pas l’auteur du mal qui peut parler ainsi, mais celui qui ne porte pas le poids du crime.

LE CHŒUR.

Mieux vaudrait pour toi garder le silence sur ce fait, si tu ne veux en parler à ton fils ; car le voici de retour, après être allé à la recherche de son père.



HYLLUS.

O ma mère[2] ! que n’as-tu cessé de vivre ? ou que n’es-tu la mère d’un autre, ou que n’as-tu au fond du cœur des sentiments moins coupables ?

DÉJANIRE.

Qu’ai-je donc fait, ô mon fils, qui mérite tant de haine ?

HYLLUS.

Sache que ton époux, sache que mon père a reçu en ce jour le coup mortel de ta main.

DÉJANIRE.

Hélas ! mon fils ! que m’annonces-tu là ?

HYLLUS.

Un fait malheureusement trop réel, car l’acte une fois commis n’est-il pas irrévocable[3] ?

  1. ᾽Οργὴ πέπειρα, mollis, mitis : métaphore tirée des fruits que la maturité amollit.
  2. Le texte ajoute : « je préférerais une de ces trois choses.... »
  3. Dans Ajax, v. 377, le Chœur exprime la même pensée. Le scholiaste cite aussi ce passage de Pindare, Olymp. II, v. 29 : « Le temps même, le père de tous les êtres de tous les êtres, ne saurait anéantir les actions accomplies, justes ou injustes. »