Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/464

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

DÉJANIRE.

Que dis-tu, mon fils ? quel homme a pu avec certitude m’accuser d’avoir commis un crime si odieux ?

HYLLUS.

Moi-même, j’ai vu les cruelles souffrances de mon père, ce n’est pas par ouï-dire.

DÉJANIRE.

Où l’as-tu rencontré ? où l’as-tu vu ?

HYLLUS.

Puisqu’il faut que tu le saches, je dois te dire tout. Lorsque, après avoir ruiné la célèbre ville d’Eurytos, il partit, emportant les trophées de la victoire, et les prémices

réservées aux dieux, il s’arrêta en Eubée, sur le cap Cénée battu des deux côtés par les flots, où il éleva des autels à Jupiter[1] son père, et les orna de feuillage, et c’est là que j’eus le bonheur de le voir, après l’avoir si longtemps désiré. Au moment où il allait faite couler sur l’autel le sang des victimes, arriva le héraut Lichas, apportant ton présent, la tunique mortelle. Hercule la revêtit selon ton désir ; il immole douze taureaux superbes[2], prémices de ses dépouilles, puis il présente aux autels d’autres victimes, en tout, cent de toute espèce. Et d’abord l’infortuné, le cœur joyeux, satisfait de sa nouvelle parure, adressait aux dieux ses prières ; mais à peine la flamme du sacrifice s’éleva-t-elle du bûcher pour consumer les victimes, la sueur coule de son corps, la tunique s’attache à ses flancs et se colle sur sa chair[3] ;

  1. Plus haut, v. 236-7, Lichas a rapporté les mêmes faits, à peu près dans les mêmes termes. Pour πατρώω Διὶ, voyez la note sur le vers 288.
  2. Ἐντελεῖς, sans défaut. — On ne pouvait immoler, dans les sacrifices, que des victimes sans tache.
  3. Le texte ajoute : ῶστε τεκτονος, c’est-à-dire, comme les draperies d’un statuaire sont adhérentes au corps ; comparaison appropriée au goût d’un public chez qui le sentiment des arts était développé au plus haut degré. Voir Alceste v. 349.