Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/466

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le plus grand des hommes qui aient paru sur la terre, et dont tu ne verras jamais l’égal.

LE CHŒUR.

Pourquoi le retires-tu sans répondre ? Ne vois-tu pas que par ton silence tu t’accuses toi-même[1] ?

HYLLOS.

Laissez-la se retirer. Puisse un vent favorable hâter sa fuite et l’éloigner de mes regards ! Lui siérait-il, en effet, d’être fière à tort du nom de mère, elle dont l’action n’a

rien d’une mère ? Qu’elle parte donc contente ; le bonheur qu’elle a donné à mon père, puisse-t-elle l’obtenir à son tour !



LE CHŒUR.

(Strophe 1.) Voyez, ô jeunes compagnes, avec quelle promptitude s’est accomplie cette ancienne parole de l’oracle, qui prédit que le fils de Jupiter, quand la douzième moisson[2] serait achevée et le nombre de ses mois révolu[3], verrait enfin le terme de ses travaux ; et un vent favorable accomplit le cours de ces événements. Car comment celui qui ne voit plus la lumière pourrait-il encore, après sa mort, être soumis à une si laborieuse servitude ?

(Antistrophe 1.) Si la perfidie fatale du centaure l’enveloppe des ombres du trépas[4], en livrant ses flancs au

  1. Le texte ajoute : « avec ton accusateur. » Ce départ silencieux et inopiné de Déjanire, qui va bientôt se donner la mort, est plus éloquent que toutes les paroles. Telle est aussi la sortie de Jocaste, dans l’Œdipe Roi, v. 1061. (Voy. encore Antigone, v. 1238.)
  2. Dans l’Électre d’Euripide, v. 1154, on trouve δεκέτεσι σποραῖσιν, après dix semailles.
  3. La contradiction que l’on croit voir ici avec des passages précédents, où il s’agit de quinze mois, et non de quinze années, s’explique par un oracle que cite Apollodore (II, 4, 12), et qui annonçait qu’Hercule verrait après douze ans le terme de ses travaux.
  4. Φονίᾳ νεφέλᾳ χρίει est ici l’équivalent de l’expression d’Homère,
    Θανὰτον μελαν νέφος ὰμφεκὰλυψεν,
    dans l’Iliade, XVI, v. 349 ; a l’Odyssée, IV, v. 180.