Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/477

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HERCULE.

Ah ! malheur ! avant de périr de ma main, comme elle le devait !

HYLLOS.

Toi aussi, tu calmerais ta colère, si tu savais tout.

HERCULE.

Tes paroles sont étranges ; explique donc ce que tu veux dire.

HYLLOS.

Voici la vérité ; elle a failli, avec une intention honnête.

HERCULE.

Quoi ! honnête, misérable ! quand elle a tué ton père ?

HYLLOS.

Dans l’espoir de s’assurer ton amour par un philtre, elle s’est égarée, à la vue de cette nouvelle épouse.

HERCULE.

Y a-t-il parmi les Trachiniens un enchanteur si habile ?

HYLLOS.

Le centaure Nessos, qui n’est plus, lui avait persuadé que ce philtre réveillerait ton amour.

HERCULE.

Hélas ! hélas ! c’est fait de moi ! je suis perdu, oui, je suis perdu, je ne verrai plus la lumière. Je comprends enfin à quelle extrémité je suis réduit. Pars, mon fils, car tu n’as plus de père ; appelle auprès de moi tous tes frères, appelle aussi l’infortunée Alcmène[1], que Jupiter nomma vainement son épouse, pour entendre les oracles qui prononcèrent autrefois sur mon sort, autant que je me les rappelle aujourd’hui.

HYLLOS.

Alcmène n’est pas en ces lieux, mais à Tyrinthe, sur les bords de la mer[2], où elle a fixé sa demeure ; elle y a emmené plusieurs de tes enfants qu’elle élève elle-

  1. Dans l’Hercule furieux d’Euripide, v. 339, Amphitryon dit de même :
    ΅Ω Ζεῦ, μάτην άρ᾿ όμόγαμον σ᾽ἑκτησαμην.
    « O Jupiter, c’est donc en vain que tu as partagé ma couche nuptiale ! »
  2. On a vu, au vers 270, que Tyrinthe était sur le golfe Argolique.