ayant pour compagnie mon laquais et un filou qui s’y arrêta.
Il a fallu que je vous fasse ce conte-ci, puisqu’il m’est venu en la pensée : je vous en ferai beaucoup d’autres, où vous remarquerez de semblables galanteries que je n’ai mises à exécution que pour avoir seulement le plaisir de me vanter hardiment de les avoir faites : ce n’a pas toujours été néanmoins dedans les lieux infâmes que je me suis plu à ces choses ; car je vous assure que je ne suis guère retourné depuis aux académies d’amour, parce que l’on trouve ailleurs assez d’occasions de se donner du passe-temps.
LIVRE SEPTIÈME
omme Francion en étoit là, le maître d’hôtel vint apporter
à déjeuner. Le seigneur ne voulut point qu’il parachevât
son histoire qu’il n’eût repris ses forces en mangeant ; et cependant
ils eurent le loisir de considérer ensemble la variété
de l’humeur des hommes, comme il y en a qui ne se proposent
de paroître que par leurs habits, d’autres par leurs paroles
affectées ; que les grands du monde prennent souvent
leur plaisir à entendre parler des fols plutôt que des sages,
et que ceux qui semblent les plus modestes cachent souvent
dedans leur sein des passions déréglées et des amours illicites.
Nous en avons vu la narration, qui nous doit faire haïr le
vice ; car, quelque bonne mine que Francion fît, il sçavoit
bien que tous les plaisirs qu’il avoit eus à débaucher la maîtresse
et la servante n’étoient pas si agréables qu’une vie
nette et chaste. Pour ce qui étoit de la fréquentation des femmes
abandonnées, il confesse bien, comme nous avons ouï,
qu’il n’y avoit rien de plus abominable ; et, puisqu’il disoit
qu’il n’y avoit rien qui les rendît plus odieuses que de les
considérer quelquefois dans ces infâmes lieux où elles se