Page:Sorel - La Vraie histoire comique de Francion.djvu/524

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avoit voulu faire accuser Francion de fausse monnoie, par des finesses merveilleuses. Et là-dessus il raconta tout ce qui étoit arrivé, montrant même ce que Corsègue en avoit écrit, et puis il dit que ces méchans étoient en inquiétude pour n’avoir point trouvé de fausse monnoie ni d’outils chez Francion, mais qu’il les alloit ôter de peine et que l’on les avoit trouvés. Or il avoit mis ordre que l’on apportât le sac et le petit coffre-fort. Voici, ajouta-t-il, ce que l’on avoit caché chez nous pour rendre l’innocent coupable ; mais la fourbe n’a pas réussi : Corsègue a pris un lieu pour un autre, et même il est tombé entre mes mains si heureusement, que je lui ai tout fait confesser. Corsègue protesta encore alors que tout ce qu’il en avoit dit et écrit n’étoit que par violence, et qu’il demandoit que Raymond fût condamné en de grosses amendes envers lui, pour l’avoir contraint à diffamer son maître et l’avoir gêné cruellement. Dorini, ayant entendu tout cela, fut merveilleusement surpris, et néanmoins il fut bien aise de ce que l’innocence de Francion alloit être bientôt vérifiée. Il vint aussitôt parler au magistrat, et lui remontra que tout ce qu’il disoit pour la défense de Francion devoit être véritable, et qu’il prouveroit bien que Valère lui avoit toujours voulu du mal, et qu’il avoit même donné charge à un capitaine de ses amis de le tuer, après l’avoir fait arrêter dans son château, mais qu’il s’étoit sauvé de ce danger. Le juge lui dit alors qu’il ne mît point son esprit en inquiétude, qu’il feroit justice partout, et qu’il voyoit déjà plus clair dans cette affaire que l’on ne pensoit. Et, en effet, il disoit la vérité ; car il confrontoit toutes les choses qu’il venoit d’ouïr avec d’autres qui s’étoient passées quelque temps auparavant, et de là il tiroit des conséquences assurées. Il avoit lui-même vidé le sac où étoient les outils, et y avoit trouvé un petit cachet que l’on y avoit jeté par mégarde, auquel étoient les armes de Valère ; tellement que c’étoit une preuve bien forte pour montrer que cela venoit de chez lui. Mais cela le rendoit encore plus criminel que l’on n’eût jamais pensé ; car à quoi lui servoient tous ces outils ? Les avoit-il fait faire tout exprès pour les faire porter dans la chambre de Francion ? Les avoit-ils trouvés tout faits dès aussitôt qu’il en avoit eu le dessein, ou bien s’il les avoit fait faire en si peu de temps ? Tout cela n’étoit point vraisemblable. Il