Page:Sorel - La Vraie histoire comique de Francion.djvu/532

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d’Ergaste. Ce seigneur confessa alors ingénument qu’il avoit voulu du mal à Francion, et que c’étoit pour lui complaire que l’on avoit mis en l’esprit de Lucinde d’aller se découvrir à Nays, afin qu’elle eût en haine celui qu’elle étoit sur le point d’épouser ; que, si Bergamin avoit été trouver Francion pour lui faire des plaintes, c’étoit encore sous son aveu et pour éprouver ce qu’il diroit et s’il se délibéreroit de quitter Nays pour Émilie. Dorini, étant assuré de cela, pria Lucio de venir voir sa cousine, qui lui étoit aussi un peu parente, afin de la résoudre dedans ses inquiétudes et lui ôter les mécontentemens qu’elle avoit contre Francion. Il voulut bien prendre cette peine ; car que n’eût-on point fait pour une telle dame ? Après que Lucinde, Émilie et Ergaste se furent retirés fort satisfaits, il considéra ce qu’il y avoit encore à faire chez lui. Pour la plainte du sbire contre Raymond, ce n’étoit qu’une frivole. Pour celle de Salviati contre Francion, elle étoit alors détruite par ce qui venoit d’arriver ; et, lorsque ce solliciteur le sçut et Bergamin aussi, ils s’en retournèrent tout confus. Quant à Corsègue, l’on le renvoya en prison, et, tous les officiers de justice étant congédiés, il ne resta que nos gentilshommes françois, qui remercièrent Lucio de la bonne justice qu’il avoit rendue, et principalement Francion qui étoit celui qui étoit le plus intéressé. Dorini lui dit encore ce qui se venoit de faire avec Ergaste et Émilie, dont il fut merveilleusement aise, et sa joie eut encore sujet de s’augmenter lorsqu’il sçut que l’on alloit essayer d’apaiser Nays et terminer le procès qui étoit entre elle et lui. Lucio dit alors en riant que pour les personnes communes il les faisoit venir en sa maison, afin de les ouïr ; mais que, quant à elle, elle méritoit qu’il l’allât trouver. Francion lui jura qu’il lui en devroit toute l’obligation ; et là-dessus il le laissa partir avec Dorini. Il eut permission de faire rapporter ses coffres chez lui, et il s’y en retourna aussi avec Raymond, Audebert et Hortensius, qui avoient toujours été présens ; mais en chemin ils virent une chose qui les étonna plus que l’on ne sçauroit dire.

Ils entendirent un si grand bruit derrière eux que cela leur fit tourner la tête, et aussitôt ils virent un jeune homme qui n’avoit que sa chemise sur le dos et n’avoit pas même de souliers à ses pieds, lequel étoit poursuivi de quantité de ca-