Page:Sorel - La Vraie histoire comique de Francion.djvu/57

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faire cela, dit le gentilhomme. Oui, monsieur, répondit-elle. Si une autre personne que le financier t’en promet un plus grand, tu l’assisteras bien plutôt, répliqua-t-il. Je te prie donc de faire en sorte que tu amènes Laurette à mon château pour voir son Francion, qu’elle chérit beaucoup, comme tu pourras sçavoir d’elle. Si tu fais cela, je te rendrai la plus contente du monde ; et ne te soucie, nous ferons alors fête entière. Sois seulement secrète maintenant et ne découvre point qui je suis. Agathe promit à celui qui parloit à elle de faire de la fausse monnoie pour lui s’il étoit besoin, et après elle s’en retourna vers Francion, à qui elle parla de ses amours. Vous aimez une malicieuse femme, lui dit-elle, je m’assure que Laurette n’auroit point de regret de vous voir noyé, pourvu qu’elle eût vos habits ; elle ne fait rien que pour le profit. Je le crois bien, dit Francion ; car, m’ayant ouï dire que j’avois une fort belle émeraude, elle me la demanda, et, dès que je lui eus promis de la lui donner, elle me fit meilleur visage qu’auparavant. Je vous ai entendu cette nuit conter votre histoire, ajouta Agathe : vous dites qu’une servante vous fit choir du haut en bas d’une échelle ; c’étoit sans doute sa maîtresse qui lui avoit commandé d’en faire ainsi, et par aventure lui aidoit-elle, la mauvaise. Ne connoissez-vous pas bien que l’impossibilité qu’elle disoit être à l’aller voir n’étoit qu’une menterie ? Elle vous eût bien fait entrer dans le château autrement que par une fenêtre, si elle n’eût voulu mettre un plus grand prix à ses faveurs par cette difficulté. Le pont-levis étoit haussé, dit Francion, je ne pouvois entrer par un autre lieu. Elle vous pouvoit faire venir au château de jour, reprit Agathe, et vous faire cacher en quelque endroit. Cela eût été fort périlleux, repartit Francion. Vous l’aimez, je le vois bien, ajouta Agathe : vous ne pouvez croire qu’il y ait de la malice en son fait ; vous vous imaginez que toutes les vertus se sont tellement fortifiées dans son âme, qu’elles en défendent l’approche à tous les vices. Possible vous figurez-vous qu’elle est encore aussi pucelle que quand sa mère l’enfanta, à cause que vous sçavez que Valentin ne lui a pu faire une grande violence ; mais je vous veux ôter ces imaginations et vous conter toute sa vie, afin que vous sçachiez de quel bois elle se chauffe. Aussi bien fait-il si mauvais temps, que, ne pouvant encore